Que disent les écrits intimes de Kafka ?

Portrait de Franz Kafka en 1923 (colorisation ultérieure). ©Getty - Culture Club
Portrait de Franz Kafka en 1923 (colorisation ultérieure). ©Getty - Culture Club
Portrait de Franz Kafka en 1923 (colorisation ultérieure). ©Getty - Culture Club
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Registres d'éléments biographiques déterminants et de routines ordinaires, supports de l'écriture à l'œuvre, réceptacles des vibrations du temps : le journal et la correspondance de Kafka inscrivent l'auteur dans (ou justement hors de) sa société, et apportent un éclairage particulier sur son œuvre.

Avec
  • Stéphane Pesnel Maître de conférences en littérature allemande et autrichienne à la Sorbonne et traducteur littéraire

Le 3 juin 1924, lorsque meurt Franz Kafka, son œuvre publiée comporte seulement six titres et consiste en moins de 500 pages. Ses tirages sont modestes, et le nom de Kafka n'est connu que d'un petit cercle d'amateurs de littérature d'avant-garde. Après sa mort, le corpus des textes connus de Kafka ne cesse de s'étoffer jusqu'à atteindre la postérité qu'on lui connait aujourd'hui : parmi ces écrits posthumes figurent notamment Le Procès et Le Château, ainsi qu'une importante quantité d'écrits intimes, composés de journaux et de correspondances. Attenants aux travaux romanesques, ces écritures autres éclairent le travail de Kafka, ses considérations et le rôle qu'il confère à la littérature.

À réécouter : Kafka (2/4) : Le journal
Les Chemins de la philosophie
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Un journal intime pour s'immerger dans la pensée de Kafka

Ainsi le journal de Kafka donne-t-il à voir une forme de "souterrain" fonctionnel de son œuvre, dans lequel il alterne des dialogues "à bâtons rompus avec lui-même" (ainsi que le décrit Jean-Pierre Lefebvre, directeur de leur publication récente à la Pléiade) et des amorces de récits, des ébauches de textes de fiction. Ce journal permet ainsi de découvrir une pratique plus organique de l'écriture, dans laquelle l'auteur baisse quelque peu la garde et se départit de l'importante vigilance, voire de l'inquiétude qui caractérise Kafka pour ses ouvrages publiés. On le voit ainsi consigner certaines observations sur le motif, ou chercher à se saisir lui-même par l'écriture à travers par exemple des réflexions sur son éducation dans un texte qu'il retravaille à plusieurs endroits des douze cahiers qui composent ce journal.

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À réécouter : Le journal de Franz Kafka
Les Nuits de France Culture
1h 10

Un journal de l'intime mais pas seulement

En publiant dans l'ordre chronologique l'intégralité de ce journal avec en filigrane la correspondance connue de l'auteur, la présente édition de la Pléiade invite aussi à prendre du recul sur le journal comme forme autonome, et à saisir à travers ces écrits le parcours biographique de Franz Kafka inscrit dans le cours de la société autrichienne et européenne de son temps.

L'indifférence relative aux jalons politiques de son temps (la chute de l'empire austro-hongrois, l'avènement de la République Tchécoslovaque ne sont pas mentionnés) n'occulte pas un portrait saisissant de la Prague d'avant-guerre, des tensions ethniques ou religieuses qui la parcourent en sous-main, voire une certaine préscience du programme de la barbarie nazie à venir… Sans oublier ses tribulations amoureuses, ou quelques réflexions sur la "faculté à mourir satisfait".

Les Nuits de France Culture
59 min

L'invité

  • Stéphane Pesnel est maitre de conférences à Sorbonne Université, spécialiste de la littérature autrichienne du XIXe et XXe siècle. Il est l'auteur de l'Album Kafka de la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2022) et il a également travaillé sur les deux tomes des Journaux et Lettres de l'auteur qui paraissent sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre dans la même collection ("Bibliothèque de la Pléiade", Gallimard, 2022).

Dans sa Pièce jointe, Romain de Becdelièvre s'emparera d'une propension particulière de l'auteur de La Métamorphose : sa qualité de punchliner incisif.

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