La marche vers le pouvoir : épisode • 2 du podcast Thomas Sankara, l'homme qui allait changer l'Afrique

Le capitaine Thomas Sankara devient Président du Burkina Faso en août 1983, après un coup d'état révolutionnaire ©AFP - DOMINIQUE FAGET / AFP
Le capitaine Thomas Sankara devient Président du Burkina Faso en août 1983, après un coup d'état révolutionnaire ©AFP - DOMINIQUE FAGET / AFP
Le capitaine Thomas Sankara devient Président du Burkina Faso en août 1983, après un coup d'état révolutionnaire ©AFP - DOMINIQUE FAGET / AFP
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Entre 1980 et 1983, l’Afrique connaît de vives tensions, et la Haute-Volta deux coups d'État qui vont mener Thomas Sankara au pouvoir. Plus populaire que jamais auprès de la jeunesse et du monde ouvrier de son pays, le jeune leader y libère la parole. Il y aura un avant et un après Sankara.

À la fin des années 1970, les tensions en Afrique deviennent explosives et touchent de nombreux pays comme l'Afrique du Sud, l'Angola, le Mozambique ou encore le Nigéria, tandis que le deuxième choc pétrolier en 1979, qui suit la prise de pouvoir de Khomeyni en Iran, déclenche une vague islamiste dans l’ensemble du monde musulman.

En 1979, Thomas Sankara vient de fêter ses trente ans. Il est impressionné par ce qui se passe au Ghana. Dans ce pays anglophone frontalier, un jeune officier tiers-mondiste, Jerry Rawlins, vient de réaliser un coup d’État qui a chassé la clique au pouvoir, met en place un gouvernement d’experts et lance une politique de lutte contre la corruption. Thomas Sankara regroupe alors autour de lui quelques officiers, au sein d'une structure informelle et clandestine : le ROC, Rassemblement des Officiers Communistes. Blaise Compaoré, le frère de cœur de Thomas Sankara, en fait partie, avec deux autres capitaines, Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani. Dans quelques mois, les quatre hommes déclencheront la révolution.

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Jean Hubert Bazié été le directeur du journal satirique "l'Intrus", pendant la Révolution burkinabée menée par Thomas Sankara
Jean Hubert Bazié été le directeur du journal satirique "l'Intrus", pendant la Révolution burkinabée menée par Thomas Sankara
© Radio France - Eric Audra

21 avril 1982. Un discours fondateur

Le 25 novembre 1980, un coup d'État militaire, fomenté par de hauts gradés, surprend tout le monde et renverse le président de la République voltaïque Aboubacar Sangoulé Lamizana, sans effusion de sang. Le colonel Saye Zerbo prend le pouvoir et met en place un Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National, le CMRPN. Thomas Sankara est nommé en septembre 1981 secrétaire d’État à l’information, où il s’emploie à créer les premiers médias indépendants auxquels il confie la mission particulière de pouvoir enquêter librement, et de dénoncer la corruption.
Un an plus tard, en avril 1982, Sankara quitte son poste. Les syndicats mobilisent, les grèves s’installent, la répression s’emballe, les leaders sont arrêtés...

Le lendemain de sa démission, le 21 avril 1982, s’ouvre le très réputé FESPACO, le Festival international du cinéma africain. Pour la première fois, Thomas Sankara est invité à parler en direct à la radio et la télévision d’État. La foule l’ovationne. Thomas Sankara prononce ces mots, destinés à la jeunesse et au monde ouvrier, et qui vont avoir une résonance sans précédent : "Il n’y a pas de cinéma sans liberté d'expression et il n’y a pas de liberté d'expression sans liberté tout court. Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple."

Thomas Sankara devient aussitôt immensément populaire. Les colonels au pouvoir le font arrêter, puis placer en résidence surveillée. Seul Blaise Compaoré échappe au coup de filet, il devient alors le coordinateur de la rébellion.

53 min

Vers une révolution

Le 7 octobre 1982, un nouveau putsch, commandité cette fois par le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouedraogo, prend le pouvoir dans la confusion la plus totale. Le coup d'État est improvisé par les alliés de Somé Yorian, l’inspecteur général des armées, et pour rallier les jeunes officiers, ils affirment agir au nom de Thomas Sankara. Face au chaos, Sankara impose aux putschistes la création d’un organe représentatif des différentes factions de l’armée. Un Conseil de Salut du Peuple apparaît dans la nuit du 7 novembre 1982. Mais en dehors de la lutte contre la corruption, il n'y a au sein de ce dernier aucun consensus sur un programme, la nomination d'un chef de l’État, encore moins sur une vision de l'avenir. La confusion va dominer pendant plus d’un mois jusqu’à ce qu’un compromis se dégage : Ouedraogo est nommé président de la République et désigne Thomas Sankara comme Premier ministre.

Sankara profite de son statut pour se faire connaitre à l’étranger. Il rencontre Kadhafi, va en Chine et en Corée du Nord, et s’impose au Sommet des non-alignés organisé à New Delhi en mars 1983, devant vingt-neuf chefs d’État d’Afrique et d’Asie. Fidel Castro pour Cuba et Daniel Ortega pour le Nicaragua s’affichent ostensiblement à ses côtés, Indira Gandhi le met à l’honneur, on l’intronise auprès des grands du tiers-monde. Six mois plus tard, Thomas Sankara prendra le pouvoir et lancera la révolution burkinabé.

Une Grande Traversée co-produite par Christophe Nick et Somany Na, réalisée par Somany Na.

Deuxième épisode avec :

  • Guy Delbrel, ancien conseiller de Thomas Sankara
  • Michel Kouda, ministre de l'eau sous le Conseil National de la Résistance (CNR)
  • Fidèle Toé, ami d'enfance et ancien ministre de la fonction publique sous le CNR
  • Jean Hubert Bazié, directeur de l'information puis directeur de la publication du journal satirique L'Intrus
  • Moussa Diallo, aide de camp de Thomas Sankara puis chef des services de renseignements de l'armée burkinabé
  • Bruno Jaffré, historien et auteur de Thomas Sankara, la patrie ou la mort (Syllepse)
  • Thierry Secretan, photographe et journaliste

Bibliographie indicative :

Prise de son à Paris Mai Tran Phuong et Yann Fressy, prise de son à Ouagadougou Eric Audra ; Mixage : Pierre Henri. Merci à Antoine Vuilloz de la discothèque de Radio France et à Véronique Le Falher de la bibliothèque de Radio France ainsi qu'à Parfait Bako à Ouagadougou. Coordination : Christine Bernard.

En partenariat avec la plateforme BrutX

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