Le Béguinage de Bruges, une société de femmes

La cour dans le béguinage de Bruges ©Getty - © Santiago Urquijo
La cour dans le béguinage de Bruges ©Getty - © Santiago Urquijo
La cour dans le béguinage de Bruges ©Getty - © Santiago Urquijo
Publicité

Le Béguinage de Bruges est une communauté créée au XIIIème siècle. Il représente un art de vivre inventé par des femmes et conçu pour elles, afin de leur permettre de vivre sans tutelle patriarcale.

Les béguinages ce sont des communautés créées à partir du XIIème siècle ; à Bruges, l’une de celles-ci s’installe dans un lieu initialement construit aux lisières de la ville. L’évolution de la géographie urbaine l’a intégré peu à peu dans ses limites et il est désormais situé dans le quartier historique de Bruges.

Entre les maisons aux briques rouges, il symbolise de manière encore plus claire peut-être désormais, la volonté à l’origine du lieu : former une cité dans la ville. Une cité qui reste aujourd’hui encore close, bien qu’elle soit ouverte au public : un mur encercle le béguinage, et certaines douves sont encore en place.

Publicité

Le béguinage, c’est un art de vivre qui naît durant le Moyen âge. Inventé par des femmes, il est conçu pour permettre à des femmes seules d’y vivre, sans s’astreindre à une vie religieuse contraignante, loin de l’exemple des couvents. De plus, le béguinage permettait aux femmes d’exister en non-mixité : les hommes ne peuvent y vivre et sont interdits de visite après 19h !

Les femmes présentes dans ce lieu pouvaient donc vivre sans être des épouses, ni des moniales. Ces lieux leur permettaient donc de vivre libres hors des sphères auxquelles elles auraient sinon été cantonnées. Elles ne prononçaient pas non plus de vœux solennels, ce qui leur permettait de quitter le béguinage à tout moment !

C’est en somme une société de femmes qui se réapproprie l’espace urbain ; et durant une période où la religion exerçait un contrôle particulièrement fort sur les vies intimes, c’est une véritable petite révolution. On pourrait presque parler d’un mouvement féministe avant l’heure !

Cependant, si elles ne sont pas astreintes à une vie religieuse monacale, la religion garde une importance certaine, exprimée par des vœux informels d’obéissance à la femme en charge du béguinage, ainsi que des vœux de pauvreté ; les béguinages deviennent en quelque sorte comme un pendant féminin aux tiers-ordres franciscains.

Bien sûr ce lieu religieux régi uniquement par des femmes ne pouvait qu’être très mal accueilli par l’Eglise, qui refuse dans un premier temps de le reconnaître, préférant considérer les femmes qui y vivent comme des hérétiques.

Marguerite Porete, une femme passée par le béguinage, écrit en 1295 le Miroir des âmes simples, qui critique entre autres l’Eglise. L’ouvrage sera brûlé en 1300 mais elle continuera cependant à le faire circuler et sera condamnée à être brûlée vive en 1310, pour hérésie.

Malgré cela, le mouvement connaîtra un grand essor en Belgique et aux Pays-Bas, et se répandra rapidement dans toute l’Europe, en dépit du regard méfiant qu’on lui porte. Il disparaîtra au début du XIVème siècle, après un rapport d’enquête qui lève les soupçons d’hérésie et reconnaît aux béguinages la place d’un tiers-ordre.

Mais l'essor de ce mouvement ralentit peu à peu au cours des siècles et il se modifie. Les béguinages devient des lieux qui n'acceptent plus que les femmes de familles aristocratiques. Ils perdent ainsi leur intérêt de refuge universel, pour toutes les femmes contraintes à une assujettissement patriarcal.

Dans le béguinage de Bruges, on trouvera une église et les anciennes maisons des béguines, peintes en blanc ; entre elles, un jardin inspire calme et sérénité.

Un lieu qui semble encore aujourd’hui vivre hors de la ville, hors du temps - arpentons-le, pour nous imprégner de cette tentative de création d’un mode de vie en marge des conventions établies, pour nous imprégner du souvenir d’une certaine histoire, une histoire des femmes.

Musique diffusée : La Grenade, Clara Luciani