1939 : Césaire, "Cahier d’un retour au pays natal"

Né en juin 1913 à la Martinique, Aimé Césaire arrive à Paris en octobre 1931 pour préparer, au lycée Louis-le-Grand, le concours d’entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm où il est admis en juillet 1935. Ses années d’étude représentent une période d’effervescence intellectuelle et culturelle pendant laquelle il fait nombre de rencontres déterminantes comme celle de Léopold Sédar Senghor.

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Naissance de la négritude

Sous l’impulsion de Césaire et de ses amis, le bulletin des étudiants martiniquais à Paris prend le titre L’Étudiant noir en mars 1935. C’est dans le troisième numéro de ce journal que le jeune homme utilise certainement pour la première fois le terme de "négritude" :

"Ainsi donc, avant de faire la Révolution et pour faire la révolution, la vraie —, la lame de fond destructrice et non l’ébranlement des surfaces, une condition est essentielle : rompre la mécanique identification des races, déchirer les superficielles valeurs, saisir en nous le nègre immédiat, planter notre négritude comme un bel arbre jusqu’à ce qu’il porte ses fruits les plus authentiques" écrit Aimé Césaire dans L’Étudiant noir, n° 3, mai-juin 1935

Daniel Maximin rapporte une anecdote. Aimé Césaire, à l’insulte de "nègre" qui lui aurait été lancée, aurait répondu "Le petit nègre t’emmerde !". Dès le départ, la parole de Césaire est à la fois poétique et politique. Daniel Maximin affirme : "il est politique d’affirmer son identité contre tous ceux qui l’empêchent".

Selon Kora Véron, dès ses premiers écrits, Aimé Césaire entend lutter contre une assimilation culturelle vue comme une aliénation délétère dénoncée dans ses articles ou dans le Cahier. Ainsi se moque-t-il des Noirs qui tentent de faire oublier leurs origines par leur manière de s’habiller, de parler ou d’écrire : des "zèbres" qui "se secouent à leur manière pour faire tomber leurs zébrures en une rosée de lait frais".

Il dénonce parallèlement l’exotisme doudouiste fondé sur une folklorisation dégradante de la culture antillaise ou plus généralement "nègre". Pour le jeune Césaire, il convient par conséquent de déjouer tous les stéréotypes par une "révolution intérieure", psychique et culturelle, salvatrice.

Itinéraire d’un recueil poétique

Le Cahier paraît pour la première fois en août 1939 dans une revue assez confidentielle, Volontés, au moment où Césaire rentre à Fort-de-France ; les circonstances ne favorisant évidemment pas la réception du poème. Mais la Martinique est bientôt l’escale obligée des candidats à l’exil américain. C’est ainsi qu’en avril 1941, André Breton découvre à Fort-de-France la revue Tropiques éditée par Césaire et ses amis, et un tiré à part de Cahier d’un retour au pays natal. Ébloui, Breton s’empressera de publier la poésie de Césaire à New York et rédigera la préface aux éditions du Cahier qui paraîtront après la guerre.

Auparavant, le poème aura paru à Cuba, grâce au peintre Wifredo Lam rencontré lui-aussi sur le chemin de l’exil. La première édition du poème en volume est donc une traduction en langue espagnole.

L’édition dite définitive ne paraîtra cependant qu’en 1956. Ainsi, Césaire aura-t-il révisé son poème fondateur pendant une vingtaine d’années.

Bibliographie indicative :

• Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine
• Kora Véron, Aimé Césaire, Seuil, 2021
• Daniel Maximin, Aime Césaire , frère volcan, Seuil, 2013
• Dominique Combe, Aimé Césaire. Cahier d'un retour au pays natal, PUF, 2014
• Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Eloge de la créolité, Gallimard, 1999