Roman colonial empreint d'injustice, "Un barrage contre le Pacifique" se révèle encore aujourd'hui, d'une brûlante actualité...
- Colette Fellous Écrivaine et éditrice
- Joëlle Pagès-Pindon Chercheuse
Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras ouvre le début du cycle indochinois qui donnera plus tard L’Amant et L’Amant de la Chine du Nord, Un barrage contre le Pacifique est un roman colonial et violent, écrasé de chaleur, d’alcool et d’injustice : une institutrice, la mère, veuve, obtient de la Direction générale du cadastre de l’administration coloniale indochinoise, la concession d’une exploitation agricole aux confins du Cambodge et de la Cochinchine, terres qui se révèlent incultivables. Avec sa fille Suzanne et son fils Joseph, cette mère va tenter de se battre contre le Pacifique et l’inexorable. Lu depuis le XXIème siècle et en plein combat décolonial et féministe Un barrage contre le Pacifique se révèle d’une brûlante actualité.
Les invités du jour
Mathias Enard reçoit
- Colette Fellous, éditrice, romancière, productrice de l’émission "Carnet nomade" sur France Culture jusqu’en 2015. Autrice de Kyoto song paru aux éditions Arléa et du récit Le petit foulard de Marguerite D. paru aux éditions Gallimard.
- Joëlle Pagès-Pindon, chercheuse associée à l'unité Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité de l'Université Sorbonne Nouvelle et du CNRS. Vice-présidente de l’association Marguerite Duras.
Contributrice des Œuvres complètes de Marguerite Duras en Pléiade (tome 3 et 4) et du recueil de Lettres retrouvées publié chez Gallimard.
Un roman d'engagement anticolonial
Le roman s'ouvre sur la mort du cheval, récemment acheté, puis cette mort va planer sur tout le roman avant de s'abattre sur le personnage de la mère. Joelle Pagès-Pindon évoque cette ironie tragique dans Le barrage contre le Pacifique qu'elle considère comme la matrice de l'oeuvre de Marguerite Duras.
Les Cahiers de la guerre sont le travail préparatoire au roman, un récit fidèle à ses souvenirs d'enfance. Marguerite Duras dans son désir d'écrire souhaite "lutter contre l'enfouissement". Le barrage contre le Pacifique est un roman d'engagement anticolonial, Marguerite Duras vient d'un milieu colonialiste, la guerre constitue une grande rupture dans son parcours, elle va s'engager au parti communiste et prendre un chemin tout à fait différent.
Colette Fellous précise les conditions d'écriture du roman "Marguerite Duras élevait un tout petit enfant pendant l'écriture de ce chef-d'œuvre ; elle a dû se souvenir de son enfance de façon encore plus violente et plus forte".
Extrait
"Il leur avait semblé à tous les trois que c'était une bonne idée d'acheter ce cheval. Même si ça ne devait servir qu'à payer les cigarettes de Joseph. D'abord, c'était une idée, ça prouvait qu'ils pouvaient encore avoir des idées. Puis ils se sentaient moins seuls, reliés par ce cheval au monde extérieur, tout de même capables d'en extraire quelque chose, de ce monde, même si ce n'était pas grand-chose, même si c'était misérable, d'en extraire quelque chose qui n'avait pas été à eux jusque-là, et de l'amener jusqu'à leur coin de plaine saturé de sel, jusqu'à eux trois saturés d'ennui et d'amertume."
Générique
Archives
- Marguerite Duras fait la présentation du barrage contre le Pacifique en 1955 au moment de l’adaptation radiophonique du roman
- Marguerite Duras en 1962 au micro de José Pivin
- India Song interprété par Jeanne Moreau
Lecture par Delphine Cogniard
L'équipe
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