Etats-Unis, Argentine, France : que valent les plans de lutte contre l’inflation ?

Le sénateur démocrate américain Ed. Markey pose avec des activistes après le vote du Sénat concernant la loi sur la réduction de l'inflation le 7 août 2022 ©Getty - Bill Clark
Le sénateur démocrate américain Ed. Markey pose avec des activistes après le vote du Sénat concernant la loi sur la réduction de l'inflation le 7 août 2022 ©Getty - Bill Clark
Le sénateur démocrate américain Ed. Markey pose avec des activistes après le vote du Sénat concernant la loi sur la réduction de l'inflation le 7 août 2022 ©Getty - Bill Clark
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Les mesures pour lutter contre l’inflation se multiplient à travers le monde : Loi pouvoir d’achat en France, Grand plan aux Etats-Unis… Quelles sont les initiatives selon les pays ? Leurs plans sont-ils efficients pour préserver la population ?

Avec
  • Thérèse Rebière Économiste, enseignante-chercheure au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et au Centre d’Etudes de l’Emploi et du Travail (CEET)
  • Philippe Martin Économiste et président délégué du Conseil d’analyse économique (CAE)

Face à une inflation qui menace les économies, les gouvernements à travers le monde se mobilisent. Pour certains, cette menace économique se double d’enjeux politiques. C’est le cas en France, dans le contexte de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale qui doit faire ses preuves. C'est le cas des Etats-Unis, où les élections de mi-mandat approchent, et aussi de l’Argentine, où la démission le 4 juillet dernier du ministre de l’Economie Martin Guzman a acté le trouble qui règne dans le pays.

Dollar, peso et euro, trois monnaies, trois pays, pour autant de méthodes ? État fédéral, membre de l’Union européenne, ou en pourparlers avec le FMI : quelle indépendance dans le choix des outils de lutte contre l'inflation ? Quels risques y a-t-il à laisser courir l'inflation dans des pays très différemment éprouvés par la situation économique en cours ? Surtout, quelles conséquences sur les populations ?

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Pour évoquer ces questions, Quentin Lafay reçoit Thérèse Rebière, maître de conférence en économie au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Philippe Martin, président délégué du Conseil d’Analyse Économique (CAE) et doyen de l’école d’Affaires Publiques de Sciences Po, et Juan Carluccio, professeur en économie internationale à l’Université de Surrey, ancien directeur de la Recherche au Secrétariat de Commerce de l’Argentine.

Pourquoi les Etats-Unis sont-ils particulièrement touchés par l'inflation ? Thérèse Rebière commente : "Concernant les Etats-Unis, l’inflation est importante à cause de plusieurs facteurs. D’abord en raison des parts d’échanges avec la Chine en termes de biens importés, qui représentent 20% aux Etats-Unis, contre 10% en France par exemple. Avec les confinements à répétition en Chine, le ralentissement de la production et la hausse des prix, les répercussions sont donc plus importantes aux Etats-Unis. Selon une large part des Républicains, une autre des raisons est le plan de relance "American Rescue Plan" mis en œuvre par Joe Biden. Pour eux, ce plan est trop massif et génère de l’inflation."

A contrario, avec un taux d'inflation de 6% contre 9% en zone euro et aux Etats-Unis, la France semble moins impactée. Philippe Martin explique : "Même si les situations sont très différentes, l’inflation en France est moins élevée qu’ailleurs. Une des raisons est la politique mise en place par le gouvernement concernant le prix de l’énergie, avec le gel du prix du gaz notamment. Néanmoins, cela coûte cher, plus de cinquante milliards d’euros sont mobilisés."

Quelles sont les mesures initiées aux Etats-Unis pour lutter contre l'inflation ? Pour Thérèse Rebière, "la loi américaine "Inflation Reduction Act" porte mal son nom. L’objectif n’est pas de lutter contre l’inflation, mais plutôt de réduire le déficit fédéral en plafonnant notamment les coûts des ménages. Le plan comprend de nombreuses mesures sociales. Par exemple, il est prévu que le "Affordable Care Act", aussi connu sous le nom de "Obamacare", déjà étendu pendant la crise sanitaire et qui devait initialement prendre fin cette année, soit prolongé pour encore trois ans."

Qu'en est-il de l'Argentine ? La situation paraît en effet très délicate car le taux d'inflation attendu à la fin de l'année est de 90%. Pour Juan Carluccio, "l'Argentine subit les mêmes tensions économiques que le reste du monde, mais le point de départ est très différent. Avant la pandémie, le taux d’inflation était déjà de plus de 50% en Argentine. Si l’on regarde l’histoire monétaire du pays depuis les années 1945-1950, on remarque qu’il n’y a eu que très peu d’années où le taux d’inflation était inférieur à deux chiffres. On note une hyperinflation à la fin des années 1980, avec un taux de plus de 3 000%. En conséquence, la population n’a plus confiance dans la monnaie locale, le peso. Notre monnaie est très faible par rapport à d’autres, comme le dollar, et elle est fréquemment dévaluée. Aujourd’hui, la situation est très délicate, on attend 8% mensuels d’inflation. Les réactions gouvernementales sont multiples : outre le changement du ministre de l’Economie, l’Etat a annoncé des mesures pour réduire le déficit fiscal ainsi que l’encouragement des importations de dollars en Argentine."

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