Chine : un géant économique vulnérable

Un investisseur surveille les cours boursiers à Shanghai, le 24 septembre 2021. ©AFP - Hector Retamal
Un investisseur surveille les cours boursiers à Shanghai, le 24 septembre 2021. ©AFP - Hector Retamal
Un investisseur surveille les cours boursiers à Shanghai, le 24 septembre 2021. ©AFP - Hector Retamal
Publicité

Depuis la baisse de ses taux directeurs par la Banque Centrale chinoise, le monde a les yeux rivés sur l'économie chinoise. À la crise immobilière s'ajoutent un chômage en augmentation et les retombées de la politique zéro Covid. La Chine serait-elle plus vulnérable qu'on ne le pense ?

Avec
  • Mary-Françoise Renard Economiste, professeure à l’université Clermont-Auvergne, responsable de l’Institut de recherches sur l’économie de la Chine (IDREC)
  • Françoise Nicolas Conseillère du centre Asie de l'Ifri

Coup de frein brutal : la Chine a vu sa croissance économique ralentir au deuxième trimestre pour signer sa pire performance depuis 2020, en raison des restrictions sanitaires et d'une crise dans l'immobilier qui ont lourdement pénalisé l'activité. Et ce alors que le président Xi Jinping doit être reconduit à la tête du Parti communiste à l’automne. La Chine va-t-elle vers une récession ? Quelles implications cela pourrait-il avoir sur la stabilité politique du pays, et sur l'économie mondiale ?

Les Matins accueillent Mary-Françoise Renard, économiste, professeure à l’université Clermont-Auvergne, responsable de l’Institut de recherches sur l’économie de la Chine (IDREC), et Françoise Nicolas, économiste, directrice du Centre Asie à l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Publicité

Des secteurs fragiles rattrapés par leur légèreté

En Chine, des centaines de milliers de propriétaires refusent de rembourser leurs crédits immobiliers. "Sur le fond, il y a une grave crise dans le secteur immobilier, qui s'est très largement endetté et dans lequel les entreprises ont été mal gérées. Les dirigeants des entreprises ont investi dans l'automobile, le football… Résultat, le secteur se trouve dans une crise d'endettement et beaucoup d'entreprises ne peuvent pas continuer à financer la construction d'immeubles," explique Mary-Françoise Renard. Si le gouvernement chinois a pris des mesures pour assainir le secteur immobilier en limitant la capacité d'endettement des entreprises, les effets accumulés de la crise génèrent tout de même de longs retards de construction.

S'y ajoute un secteur bancaire chinois fragile qui n'hésite pas à recourir à des pratiques mensongères pour empêcher les particuliers de retirer leur épargne, selon Mary-Françoise Renard. Ainsi, des clients voulant rejoindre une agglomération où était leur banque ont été déboutés au motif que leur code Covid était invalide… Le gouvernement chinois, sous pression, a promis de faire la lumière sur l'événement. "Il y a en Chine un certain nombre de banques avec très peu de capacités d'expertise des prêts et, en revanche, une corruption non négligeable, et donc, le gouvernement a demandé une enquête." Alors que l'argent ne manque pas dans l'économie chinoise, les tensions alimentent la défiance de certains secteurs envers l'Etat et empêchent les consommateurs de se projeter dans l'avenir.

Les risques conjoncturels n'arrangent rien aux inégalités et au déficit redistributif observés dans l'économie chinoise. "La baisse des inégalités observée notamment au début des années 2000 a résulté de la croissance économique, et non pas de politiques de redistribution. Aujourd'hui, la croissance ralentit, la redistribution reste minime et les niveaux de vie évoluent en conséquence." Alors que le gouvernement repousse les réformes structurelles, le déficit de consommation intérieure se répercute dans un surplus commercial qui ne cesse d'augmenter : "en juillet, le surplus commercial de la Chine a encore augmenté, et c'est parce que la consommation intérieure est insuffisante. Le surplus commercial de la Chine reflète le déséquilibre interne entre la consommation et l'investissement."

L'économie asiatique se replie sur elle-même

Pour Françoise Nicolas, le ralentissement de l'économie chinoise n'aura que peu d'effets sur les entreprises françaises, qui y exportent peu. "Mais ça peut concerner d'autres partenaires européens de manière négative, à commencer par l'Allemagne. Si on n'arrive plus du tout à exporter vers la Chine, c'est quand même un gros marché qui disparaît." Alors que les investissements chinois à travers le monde diminuent, la Chine se replie sur son voisinage immédiat : "ce que l'on observe, c'est un certain nombre de délocalisations d'entreprises chinoises vers le reste de l'Asie. On assiste à une réorganisation des circuits avec une Asie qui s'organise de plus en plus sur elle-même. La tendance est très nette : les Chinois sont beaucoup plus actifs en Asie du Sud-Est que précédemment." - Françoise Nicolas

Le découplage financier entre les États-Unis et la Chine semble également se confirmer, alors que cinq géants chinois ont quitté la bourse de New York, tirant la conséquence de leur incapacité à communiquer leur structure actionnariale au gendarme boursier américain. Un phénomène qui ne se limite pas qu'au cas sino-américain, selon Mary-Françoise Renard : "on assiste, au niveau mondial, à une régionalisation de l'économie. L'Europe aussi s'interroge sur la possibilité d'une politique industrielle européenne de sorte à affirmer leur indépendance aussi bien vis-à-vis de la Chine que des États-Unis."

L'équipe