Population mondiale, les scénarios pour demain

Selon plusieurs études, la population mondiale se dirigerait vers un déclin à la fin du XXIe siècle ©Getty - Ruben Earth
Selon plusieurs études, la population mondiale se dirigerait vers un déclin à la fin du XXIe siècle ©Getty - Ruben Earth
Selon plusieurs études, la population mondiale se dirigerait vers un déclin à la fin du XXIe siècle ©Getty - Ruben Earth
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Le 15 novembre 2022, la population mondiale devrait passer la barre des 8 milliards, jusqu'à atteindre un plateau en 2080 de 10 milliards d’habitants. Entre vieillissement, baisse de la natalité et bouleversements économiques, à quoi doivent s'attendre les générations à venir ?

Avec
  • Jacques Véron Démographe et directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (Ined)
  • Bruno Schoumaker Professeur de démographie à l’UC Louvain

La presse française s'est faite l'écho hier d'un rapport publié par la banque HSBC qui table sur une forte décroissance de la population mondiale d'ici 2100. Pourtant, les prévisions de l'ONU, qui font autorité en la matière, indiquent que le pic de population ne sera atteint qu'en 2086 et se stabilisera à l'alentour de 10,4 milliards. Comment expliquer les divergences entre scénarios démographiques ? À l'inverse, quelles grandes tendances ne font plus débat entre les démographes ? Nous en parlons avec les démographe Jacques Véron et Bruno Schoumaker.

Les improbables hypothèses du rapport HSBC

La HSBC estime que la population mondiale pourrait déjà atteindre son pic avant la moitié du siècle et décroître jusqu'à atteindre quatre milliards d'habitants à l'horizon 2100. Pour Bruno Schoumaker"ça pourrait être une bonne nouvelle éventuellement, mais il y a peu de chances que ça se produise. On peut effectivement raisonner sur des scénarios divers et variés, mais à partir du moment où ils ont peu de chances de se produire, ce n'est pas très intéressant de se poser la question - les scénarios des Nations Unies sont beaucoup plus vraisemblables."

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Pour développer leurs projections, les démographes émettent des hypothèses sur les taux de fécondité et la mortalité des générations présentes et futures. Jacques Véron explique : "on observe la conjoncture des différents pays, et s'il est vrai que les évolutions de la fécondité peuvent être plus chaotiques que celles de la mortalité, il n'y a pas de changements brusques d'une année sur l'autre, sauf situation très particulière."

Le rapport HSBC mise sur une baisse continue de la fécondité telle qu'observée dans certains pays développés. Le rapport onusien indique ainsi qu'une soixantaine de pays verront leur population baisser d'au moins 1% d'ici 2100. Pour autant, cette dynamique ne peut pas être généralisée : "on cite souvent la Corée du Sud, où il y a moins d'un enfant par femme en moyenne. Cette situation de dépopulation touche des pays très développés et n'est pas généralisable à l'ensemble du monde. Dans ce rapport HSBC, il y a une tendance à considérer que ce qui se passe dans les pays développés va se produire inéluctablement et rapidement dans les pays moins développés. Il est vraisemblable que ces adaptations se feront, mais pas à cette vitesse-là." - Jacques Véron

Une des raisons qui milite contre le scénario de la HSBC est l'inertie démographique, selon Jacques Véron : la plupart des personnes qui vivront en 2050 sont déjà nées, et le comportement de celles en âge de procréer peut être estimé de manière crédible. "À l'horizon 2050, l'effet inertie est majeur, il représente à peu près deux tiers de l'évolution. Même si la fécondité était très basse du jour au lendemain, la croissance de la population se poursuivrait."

Effets de conjoncture et tendances lourdes

Si la pandémie du Covid-19 a brouillé les tendances démographiques sur le court terme, les effets à long terme sont moins évidents : "quand on considérait le Sida en Afrique, certains en déduisaient une dépopulation de l'Afrique. Malgré des effets majeurs sur l'espérance de vie et un ralentissement de la croissance de la population, celle-ci a continué. La fécondité en France a baissé du fait du Covid-19 mais a réaugmenté ensuite. Les effets démographiques directs ou indirects sont limités," pour Jacques Véron.

Le vieillissement en France et dans les pays développés va par contre se poursuivre : "au Japon, on voit les conséquences du vieillissement dans les zones rurales, où les écoles sont transformées en maisons de retraite. Une des questions centrales, c'est celle de l'emploi; on peut projeter l'évolution de la population en âge d'activité, qui se réduit singulièrement. L'enjeu, c'est comment prendre en charge une population âgée qui ne cesse de croître : à terme, on parle de 30% de personnes de plus de 65 ans."

À l'opposé de l'Europe, la population de l'Afrique subsaharienne est très jeune, témoignant des disparités démographiques à travers le monde. C'est en Afrique subsaharienne que la croissance démographique va être la plus marquée jusqu'à la fin du siècle, selon Bruno Schoumaker. "En Afrique subsaharienne, les personnes de plus de 65 ans représentent 3-4 % de la population. Par contre, 50 % a moins de 20 ans dans beaucoup de pays africains."

Si les taux de fécondité ont diminué de 6 à 4,5 enfants par femme en Afrique subsaharienne, "il y a des pays où ça diminue très lentement", indique Bruno Schoumaker, "comme le Niger ou la RDC. Le Congo va ainsi vraisemblablement devenir un des dix pays les plus peuplés de la terre assez prochainement."

Les informations concernant la pression migratoire qui pourrait résulter de cette croissance démographique sont parcellaires en Afrique. Cependant "la population susceptible de migrer va augmenter. Est-ce que la probabilité de migrer va augmenter pour autant ? C'est plus difficile à dire, mais on estime qu'avec l'amélioration du niveau de vie, les chances de migrer augmenteront, puisque les gens ont davantage de moyens pour réaliser leurs aspirations." À très long terme, il reste cependant difficile de faire des prévisions, en raison de potentiels retours et de politiques migratoires variables.

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