Italie, Suède : pourquoi l’Europe dérive à l’extrême droite

La dirigeante du parti d'extrême droite italien Fratelli d'Italia (Frères d'Italie) Giorgia Meloni, à Rome, le 6 septembre 2022. ©AFP - ALBERTO PIZZOLI
La dirigeante du parti d'extrême droite italien Fratelli d'Italia (Frères d'Italie) Giorgia Meloni, à Rome, le 6 septembre 2022. ©AFP - ALBERTO PIZZOLI
La dirigeante du parti d'extrême droite italien Fratelli d'Italia (Frères d'Italie) Giorgia Meloni, à Rome, le 6 septembre 2022. ©AFP - ALBERTO PIZZOLI
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Pour la première fois, l’un des membres fondateurs de l'Union européenne, l’Italie, bascule à l’extrême droite. Comment analyser la percée des populismes, aussi hétérogènes sont-ils, sur le Vieux Continent ?

Avec
  • Anna Bonalume Journaliste et chargée de cours en philosophie à l'Université de Créteil
  • Jean-Louis Bourlanges Député Modem des Hauts de Seine, président de la commission des affaires étrangères et ancien député européen, essayiste

Après la Suède, c'est au tour de l’Italie. Une coalition de droite et d’extrême droite, emmenée par Georgia Meloni, chrétienne conservatrice, est sortie victorieuse des élections législatives qui se sont tenues ce dimanche.

La percée franche et massive de l’extrême droite en Europe

Pour Anna Bonalume, "la victoire de l’extrême droite est très impressionnante" : Les Frères d’Italie, la formation de Georgia Meloni, a remporté 26 % des votes, dépassant ainsi les chiffres des derniers sondages. "Une autre surprise est le score de La Ligue du Nord de Matteo Salvini qui a remporté 9 % des votes", tandis qu’elle en avait remporté 33 % aux élections européennes de 2019. Le taux de participation a, quant à lui, chuté : d’après les dernières estimations, 64 % des électeurs italiens se sont déplacés aux urnes, contre 73 % aux élections parlementaires de 2018.

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Le retour du fascisme mais sous une autre forme

D’après Anna Bonalume, "nous ne sommes pas face à un retour du fascisme tel qu’on l’a connu au XXème siècle." "Georgia Meloni utilise des thèmes ultra-conservateurs, ultra-catholiques, alors que le fascisme est, à ses fondations, plutôt révolutionnaire, plutôt païen" selon le spécialiste des questions européennes et ex-député européen Jean-Louis Bourlanges. Pour ce dernier, "le Rassemblement national de Marine Le Pen ou Fratelli d’Italia sont des partis fascistes génétiquement modifiés. *Les thèmes de Matteo Salvini sont bien plus à l’extrême droite que les thèmes de Georgia Meloni, car le parti de celui-ci n’est pas "statale", c’est-à-dire en faveur de l’*Etat", mais bien un parti en faveur des autonomies régionales, précise-t-il.

Pour Anna Bonalume, "il y a une différence importante entre La Ligue du Nord de Matteo Salvini et Les Frères d’Italie de Georgia Meloni, ce sont leurs origines, justement." La Ligue est l’un des partis les plus anciens d’Italie, il fêtera bientôt ses 40 ans d’existence, tandis que le parti de Georgia Meloni est né en 2012, en tant que frondeur du berlusconisme. "Mais les dirigeants fondateurs de Frères d'Italie n’ont jamais désavoué le fascisme de leurs origines et la matrice idéologique de Georgia Meloni est issue de cet héritage", selon Jean-Louis Bourlanges.

Une revendication de l’identité chrétienne traditionnelle

Alors que Georgia Meloni combat les droits des communautés LGBT avec une extrême vigueur, Marine Le Pen était totalement absente du mouvement de La Manif pour Tous en 2012, organisée en réaction à la proposition de loi en faveur du mariage pour les couples homosexuels. Ce constat s’explique par le fait qu’"il y a une sensibilité au discours religieux, à la question de l’identité familiale" en Italie explique Anna Bonalume.

Elle rappelle que la formation Frères d’Italie est en train d’évaluer des possibilités d’alliance avec Reconquête, plus proche de ses idées de préservation de l’identité chrétienne en Europe que le Rassemblement National de Marine Le Pen, est "plus proche idéologiquement de Matteo Salvini" précise Jean-Louis Bourlanges.

Trouver des solutions face aux crises : sociale, économique, budgétaire et énergétique

Pour Anna Bonalume, la nouvelle coalition de droite et d’extrême droite doit faire face de grands défis. "Comment elle compte faire face à la crise économique et sociale ? Où trouver l’argent pour faire face à la crise énergétique, aux soucis d’approvisionnement ?" questionne notamment la journaliste.

Dans ce contexte de crise, notamment énergétique, il va être difficile pour la coalition de se positionner par rapport à la guerre entre la Russie et l'Ukraine. En 2017, Matteo Salvini déclare avoir noué des relations privilégiées avec le parti Russie Unie de Poutine souligne la journaliste. "Il a dévoilé une alliance, une ligne programmatique à suivre ensemble."

Selon l'homme politique et essayiste spécialiste des questions européennes, avec une situation économique et budgétaire extrêmement tendue en Italie, "soit Georgia Meloni fait preuve de pragmatisme" vis-à-vis des exigences sur l'Etat de droit afin de bénéficier du deuxième volet d’aides de l’Union européenne, "soit elle exploite le populisme", comme Matteo Salvini, sans efficacité politique significative pour améliorer la situation du pays et les conditions de vie des Italiens. "Ce qui est certain, ajoute Jean-Louis Bourlanges, c’est que l’offre politique de Meloni est extrêmement pauvre. Elle n’a pas défendu un projet alternatif très clair, l’Italie continue son cycle où l’on passe de gouvernements raisonnables – et le gouvernement Draghi était plus que raisonnable – à des formations populistes qui n’ont pas grand-chose à faire de très sérieux, de très alternatif".

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