De l’Egypte au Maroc : une révolution étouffée : épisode • 3/4 du podcast #MeToo, cinq ans… et après ?

Des femmes tunisiennes, membres du collectif EnaZeda (équivalent littéral de MeToo) manifestent à Tunis contre le harcèlement sexuel le 30/10/19 ©AFP - Fethi Belaid
Des femmes tunisiennes, membres du collectif EnaZeda (équivalent littéral de MeToo) manifestent à Tunis contre le harcèlement sexuel le 30/10/19 ©AFP - Fethi Belaid
Des femmes tunisiennes, membres du collectif EnaZeda (équivalent littéral de MeToo) manifestent à Tunis contre le harcèlement sexuel le 30/10/19 ©AFP - Fethi Belaid
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En 2019, l'Egypte criminalise le harcèlement, en 2021, la Tunisie vote une loi contre les violences faites aux femmes : les effets des mouvements équivalents à Me Too, très actifs les réseaux sociaux via les hashtags #EnaZeda, #AnaKamen, commencent à se faire percevoir de l'Egypte au Maroc.

Avec
  • Meryem Sellami Socio-anthropologue, chercheuse au sein du laboratoire Cultures et sociétés en Europe (CNRS – Université de Strasbourg) et enseignante à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis
  • Aymon Kreil Anthropologue, professeur assistant au département des Langues et Cultures de l’Université de Gand en Belgique
  • Meriam Cheikh Anthropologue, chercheuse au CESSMA (Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques)

Octobre 2019 en Tunisie : en pleine campagne électorale une jeune fille poste les photos d’un député qu’elle accuse de harcèlement sexuel. 2020 : la toile égyptienne s’enflamme après les témoignages de plusieurs femmes visant un jeune homme de la haute société accusé de chantage et de viol. En Tunisie comme en Egypte, on assiste depuis quelques années à un vaste mouvement de libération de la parole des femmes. Les hashtags locaux, comme #EnaZeda (moi aussi) en Tunisie, #Masaktach (je ne me tairai pas) au Maroc fleurissent sur la toile dans le sillage du mouvement Me Too. Des témoignages anonymes souvent, qui disent la violence mais aussi les pressions familiales, religieuses et politiques qui pèsent encore sur la parole des victimes.

Quelles sont les spécificités du mouvement de libération de la parole des femmes dans le monde arabe ? En quoi les soulèvements révolutionnaires de 2011 ont-ils contribué à l'essor de la prise de parole et du militantisme des femmes ? Quelles en sont les limites ? Enfin quels sont encore les freins et les obstacles à la lutte contre le harcèlement et les violences faites aux femmes ?

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Pour répondre à ces questions, Florian Delorme reçoit Aymon Kreil, anthropologue, professeur assistant au département des Langues et Cultures de l’Université de Gand en Belgique et Meryem Sellami, socioanthropologue, enseignante à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis et chercheuse associée au Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles de l’Université de Strasbourg.

"Durant la période 2014-2020, l'Etat égyptien s'est en partie impliqué dans la lutte contre le harcèlement. Il y a eu des initiatives dans les universités dont certaines ont reçu un vrai soutien du conseil national des femmes et de la presse gouvernementale", explique Aymon Kreil.

"Le numérique joue un rôle indéniable dans l'amplification et la consolidation de tous ces mouvements de contestation.", affirme Meryem Sellami au sujet de la force que constituent les outils numériques pour ces "Me Too tunisiens et égyptiens".

Pour aller plus loin :

Meryem Sellami est l'autrice du livre intitulé  Adolescentes voilées : du corps souillé au corps sacré paru aux éditions Hermann en 2014.

Seconde partie : le focus du jour

Maroc - “MeTooUniv” : le scandale du phénomène “sexe contre bonnes notes”

C’est au sein de l’université de Hassan 1er dans la ville de Settat, au Maroc, que le premier scandale éclate en septembre 2021. Rendues publiques, des conversations entre étudiantes et professeurs mettent à jour un système qualifié depuis de “sexe contre bonnes notes” dans lequel les professeurs monnayaient les résultats scolaires contre des faveurs sexuelles. Depuis, et sous le hashtag “MeTooUniv” la parole se libère chez les étudiantes dans de nombreuses universités marocaines. Un mouvement d’ampleur qui a déjà permis la suspension, voire la mise en examen de plusieurs professeurs.

Avec Meriam Cheikh, anthropologue, chercheuse au CESSMA (Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques).

"Le hashtag "Me Too Université" explose parce qu'il existe un public, une écoute compassionnelle qui est prête à prendre le parti des victimes", note Meriam Cheikh.

Pour aller plus loin :

Meriam Cheikh a écrit Les filles qui sortent. Jeunesse, sexualité et prostitution au Maroc, paru aux éditions de l’Université de Bruxelles en 2020.

Références sonores

  • #EnaZeda | Au-delà des témoignages, un acte politique ( inkyfada podcast - 26/12/19)
  • #MeToo au Moyen-Orient : pas de vacances pour les féministes ( France24 - 09/09/20)
  • En Tunisie, une nouvelle loi contre les violences faites aux femmes ( Tv5monde - 26/02/18)
  • Mozn Hassan, féministe, envers & contre tous ( Arte - 2020)
  • Maroc : des étudiantes dénoncent le "chantage sexuel" des professeurs ( africanews - 24/01/22)

Références musicales

  • "Sunshine recorder" de Boards of Canada
  • "Ya Lili" (feat. Hamouda) de Balti

Préparation de l'émission

Une émission préparée par Mélanie Chalandon.

L'équipe