Hommage à Bruno Latour, philosophe de renom et penseur de l'écologie moderne

Bruno Latour, anthropologue, sociologue et philosophe, éminent penseur de son temps ©AFP - JOEL SAGET
Bruno Latour, anthropologue, sociologue et philosophe, éminent penseur de son temps ©AFP - JOEL SAGET
Bruno Latour, anthropologue, sociologue et philosophe, éminent penseur de son temps ©AFP - JOEL SAGET
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Figure de proue de la pensée écologique et de l’analyse des pratiques scientifiques, le philosophe Bruno Latour était l’un des chercheurs français les plus influents au monde. Retour sur une carrière hors normes.

Avec
  • Amy Dahan Historienne des sciences, mathématicienne, directrice de recherche émérite au CNRS, co-auteure avec Stefan C. Aykut de « Gouverner le Climat ? 20 ans de négociations climatiques ».
  • Sylvain Bourmeau Journaliste, professeur associé à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du journal AOC et producteur de l'émission "La Suite dans les idées" sur France Culture

Pour parler de l'héritage qu'il nous laisse, Guillaume Erner reçoit Amy Dahan, Amy Dahan, historienne des sciences, mathématicienne, et directrice émérite de recherches au CNRS, et Sylvain Bourmeau, journaliste, producteur de La Suite des Idées sur France Culture et professeur associé à Paris Panthéon-Sorbonne.

Quel héritage intellectuel laisse Bruno Latour ?

Pour Sylvain Bourmeau, Bruno Latour "a été l’un des premiers auteurs persuadés de la nécessité d’organiser la conversation démocratique, et de l’organiser entre les intellectuels de toutes les disciplines." En raison de cette transversalité dans la manière d’approcher les sciences, il est difficile d’apposer une étiquette sur le travail de Bruno Latour. Plutôt que de trancher entre la philosophie et la sociologie, Sylvain Bourmeau préfère dire que le penseur était avant tout "anthropologue, parce que c’est par l’anthropologie qu’il a opéré une forme de conversion de la philosophie vers les sciences sociales (…). Et comme Bourdieu, il a gardé un rapport étroit à la philosophie jusqu’à la fin de sa vie."

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Pour Amy Dahan, Bruno Latour était "à la fois l’un des grands penseurs de ce qu’on a appelé les sciences studies (…) et de ceux qui ont impulsé une façon de penser les sciences de manière distincte de l’histoire scientifique traditionnelle." Il voulait sortir d’une histoire des sciences qui serait purement technicienne. "Il voulait désencercler la science" postule Amy Dahan, et "son point majeur, c’est d’avoir mis les sciences en démocratie, d’avoir compris la relation intime, fondamentale, entre les sciences et le politique (…)." Sylvain Bourmeau ajoute que Bruno Latour "a travaillé comme un théoricien des sciences sociales : tout l’intéressait."

L’un des fondateurs de la pensée écologique et penseur des "interactions"

Pourquoi a-t-il tant compté en termes de pensée écologiste ? Pour Amy Dahan, Bruno Latour parle de "mutation écologique, de mutation civilisationnelle. Il est celui qui a le plus simplement et le plus radicalement expliqué que nous vivons une mutation" dans notre rapport à la nature et aux environnements naturels. "Il est l’un des fondateurs de la pensée écologique", mais pour Sylvain Bourmeau, "sa critique de l’économie est tout aussi radicale." Sylvain Bourmeau aimerait d’ailleurs que l’on prenne en compte cette dernière autant que l’idée de "mutation écologique" défendue par Bruno Latour.

Le chercheur avait un regard critique sur toutes les sciences, en commençant par la sociologie, qu’il souhaitait la plus scientifique et la plus objective possible. Au moment de travailler comme jeune enseignant, Bruno Latour va en Côte d’Ivoire et adopte un regard critique acéré sur le rapport entre les populations occidentales et les Ivoiriens. Il va en garder l’habitude, dans ses recherches, de prêter une grande importance aux "interactions", "un mot latourien avant tout" selon Amy Dahan, quel que soit le milieu qu’il était en train d’étudier. Pour Sylvain Bourmeau, "il travaille en particulier sur cette situation néocoloniale qui prévaut en Côte d’Ivoire. Il est très frappé par le racisme auquel il est confronté. La position de surplomb à l’égard de la société ivoirienne l’horripile et au fond, il aspire à une forme de symétrie dans la relation avec celles et ceux qu’ils étudient dans sa position d’anthropologue" conclut le producteur radiophonique.

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