Guerre en Ukraine : Poutine, le tyran acculé

/ ©AFP - Kirill KUDRYAVTSEV
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Depuis plusieurs semaines, l'Ukraine renverse la balance dans la guerre qui l'oppose à la Russie. Aidé par les puissances occidentales, le pays agressé regagne du terrain, et Vladimir Poutine apparaît toujours un peu plus fragilisé.

Avec
  • Christine Dugoin-Clément chercheure pour la chaire risque de l'IAE Paris-Sorbonne, à l’observatoire de l’intelligence artificielle de Paris 1, et au CREOGN (Centre de Recherche de l'École des Officiers de la Gendarmerie nationale).
  • Pierre Grosser Historien, spécialiste des relations internationales, membre du Centre d’histoire de Sciences Po

Guillaume Erner accueille Christine Dugoin-Clément, analyste géopolitique au think tank CAPEurope, chercheuse associée à la chaire "risques" du Laboratoire IAE de Paris et au Centre de Recherche de l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (CREOGN), et autrice de Influence et manipulations : Des conflits armés modernes aux guerres économiques (VA éditions, 2021), et Pierre Grosser, historien spécialiste de l'histoire des relations internationales et du monde post-guerre froide, membre du Centre d’histoire de Sciences Po Paris.

L’armée russe, débordée, répond par des bombardements massifs

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L’analyse de la guerre entre la Russie et l’Ukraine faite parChristine Dugoin-Clément,est « qu’il y a un tel débordement des forces russes dans l’immédiat que la stratégie a changé, et que l’on est sur un bombardement massif [mis en place par la Russie], qui a une visée multiple : affaiblir les Ukrainiens et diviser leurs forces en différents points, aussi bien pour répondre [aux offensives ukrainiennes] que pour essayer de récupérer les dommages » telles que les infrastructures stratégiques et notamment énergétiques. La chercheuse ajoute que « ce que l’on a vu à Marioupol et dans d’autres villes, que la stratégie du « tapis de bombe », s’étend sur tout le territoire. Si l’on prend une carte, c’est le territoire entier de l’Ukraine qui est visé. »

Pour l'analyste géopolitique, la Russie s’est adaptée, et « dans ses échanges, y compris diplomatiques, met en avant de manière quasi systémique sa puissance militaire, voire nucléaire, donc un discours extrêmement belliciste. » Il y a plusieurs finalités à cela selon Christine Dugoin-Clément : diviser son auditoire et affaiblir les prises de décisions de l’Europe et son soutien à l’Ukraine mais aussi distraire l’ennemi pour mieux préparer une réplique, et enfin, faire craindre les potentielles conséquences que l’on pourrait avoir dans le cas d’un emballement militaire du conflit.

« Faire durer la guerre serait plutôt favorable aux *Russes* »**

Pour Pierre Grosser, « nous sommes dans une situation où l’on n’est pas encore dans ce que les spécialistes des négociations appellent le ‘’tipping point’’ -  le ‘’point de basculement’’-, le moment où tout le monde a finalement intérêt à négocier. » Même si « faire durer la guerre serait plutôt favorable aux Russes » pour l’historien des relations internationales, « les sanctions[prises par l’Union européenne] vont avoir un effet dévastateur sur la Russie ». Toutefois, tempère Pierre Grosser, « on n’a pas l’impression, pour le moment, que le pouvoir de Poutine soit remis en cause » en Russie. Alors, dans cette situation, « quel type d’accord pourrait faire que chacune des parties ait à peu près sauvé la face ? », questionne l’historien membre du Centre d’Histoire de Sciences Po Paris. Il ajoute que, pour l’instant, « on a du mal à imaginer un accord qui permette aux deux parties de faire croire, non pas qu’elles ont gagné, mais qu’elles n’ont pas perdu. »

Une tradition militaire russe « peu économe de la vie humaine »

Même si « on ne rase plus des villes avec des bombardements de la même manière que pendant la Seconde Guerre mondiale » pour Pierre Grosser, « la Russie, depuis la Tchétchénie, est régulièrement reconnue pour mettre en place des opérations qui sont en contradiction complète avec les droits de l’homme et certaines opérations, en Syrie, ont fait l’objet de rappels réguliers » par les instances internationales, détaille Christine Dugoin-Clément. « Du côté soviétique, il y a une brutalité tout à fait considérable dans les guerres, et surtout il y a une tradition russe selon laquelle il n’y a pas beaucoup d’économie de la vie humaine » explique l’historien. « Il n’est pas envisageable, aujourd’hui, d’imaginer traiter avec Poutine », d’après Pierre Grosser.

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