Inflation, carburant, réforme des retraites au 49-3… De l’anxiété économique à la colère sociale ?

Peloton d’une manifestation appelée par plusieurs syndicats dont la CGT pour les salaires, retraites, bourses, et minima sociaux, à Paris, le 29 septembre 2022. ©Maxppp - Vincent Isore
Peloton d’une manifestation appelée par plusieurs syndicats dont la CGT pour les salaires, retraites, bourses, et minima sociaux, à Paris, le 29 septembre 2022. ©Maxppp - Vincent Isore
Peloton d’une manifestation appelée par plusieurs syndicats dont la CGT pour les salaires, retraites, bourses, et minima sociaux, à Paris, le 29 septembre 2022. ©Maxppp - Vincent Isore
Publicité

Après l’inflation, la crise énergétique, les Français font face dans de nombreux territoires à une pénurie de carburant. Alors que l’exécutif entend accélérer son calendrier, les oppositions se mobilisent pour établir un nouveau rapport de force. L’anxiété économique mue-t-elle en colère sociale ?

Avec
  • Sandra Hoibian Directrice générale du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie)
  • Martial Foucault Professeur de sciences politiques et directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po

Les Français moins en colère qu’on aurait pu l’imaginer

Pour Martial Foucault, la longue séquence électorale de 2022 "a en quelque sorte un peu décrispé la société sur plusieurs dimensions". On constate également "un niveau de mécontentement un peu plus faible" par rapport aux années précédentes, explique le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris. Pour Sandra Hoibian, on est toujours dans « un registre de la crise permanente : la crise Covid, l’inflation, la guerre en Ukraine… Et ce registre de la crise a différents effets dont un effet de tétanie. Cela veut dire que ce n’est pas dans le moment du pic de la crise que les gens vont le plus réagirLa défiance vis-à-vis des gouvernements reste présente, néanmoins le fait que l’Etat soit très présent, qu’il ait mis en place le quoiqu’il en coûte qui touche l’ensemble des Français, qui arrose très largement, est aussi de nature à tempérer la colère » populaire, explique la directrice du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc).

Davantage de Français auraient peur de connaître la pauvreté

D’après Sandra Hoibian, "la proportion de Français qui considèrent qu’il y a un risque qu’ils tombent dans la pauvreté est en augmentation." Martial Foucault ajoute que, "la crise, aujourd’hui, de grandes compagnies, comme Total et Esso, va réveiller une exaspération des Français sur le terrain salarial." Sandra Hoibian considère, elle aussi, qu’"il y a un très fort niveau d’inquiétude". Elle ajoute que l’on a aujourd’hui "38 % des Français qui nous disent qu’ils se restreignent" sur le poste des dépenses alimentaires. "Aujourd’hui, la figure de la pauvreté, ce sont des personnes plutôt jeunes, en fait. Il y a une trentaine d’années, le pauvre, c’était plutôt une personne âgée" nuance la docteure en sociologie.

Publicité

"La colère produit des radicalités politiques"

Pour Martial Foucault, "sur le plan salarial, il y a eu une pratique qui a consisté à essayer de corriger, de mettre des pansements, sur une dégradation du pouvoir d’achat, d’un certain nombre de fonctionnaires et de salariés du privé par la politique des primes. Or le niveau d’inflation d’aujourd’hui, certes un peu plus faible en France que dans d’autres pays européens, ne peut pas être simplement compensé par une politique salariale fondée sur des primes. Il faut que ce gouvernement se mette à l’œuvre pour faire du dialogue social" explique le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris, autrement, il y a un risque que "la colère produi(se) des radicalités politiques."

Sandra Hoibian renseigne que "le soutien à la grève est relativement modéré" avant d'ajouter, "pour l’instant". "La revendication sur les salaires, elle, est soutenue" par les Français, souligne cette dernière. Pour la directrice générale du Credoc, "tant qu’il y a ces dispositifs de soutien, le pays tient. Mais, c’est vrai que, si la question de l’inflation perdure, et c’est une possibilité aujourd’hui, et que l’Etat n’est plus en mesure de limiter ses effets, il y a quand même des risques de colère" parmi la population française, dont une part reste dépendante de la voiture dans ses déplacements et contrainte de subir les effets de la crise énergétique actuelle.

L'équipe