RDC, Centrafrique : la faillite du modèle onusien : épisode • 2/4 du podcast Conflits armés : quand les médiateurs entrent en jeu

Des casques bleus patrouillent dans la ville de Gamboula menacée par le groupe armé Siriri dans le cadre de la mission de la paix MINUSCA, Centrafrique, 06/18 ©AFP - Florent Vergnes
Des casques bleus patrouillent dans la ville de Gamboula menacée par le groupe armé Siriri dans le cadre de la mission de la paix MINUSCA, Centrafrique, 06/18 ©AFP - Florent Vergnes
Des casques bleus patrouillent dans la ville de Gamboula menacée par le groupe armé Siriri dans le cadre de la mission de la paix MINUSCA, Centrafrique, 06/18 ©AFP - Florent Vergnes
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En juillet 2022, dans l'est de la République Démocratique du Congo, la population se soulève contre la mission onusienne Monusco présente depuis 22 ans dans le pays. Ce n'est pas le seul pays où gronde le mécontentement à l'égard des Casques bleus ces dernières années, à l'image de la Centrafrique.

Avec
  • Séverine Autesserre Professeure des universités et directrice du département de science politique à la Faculté Barnard de l’université Columbia à New York
  • Thierry Vircoulon Chercheur associé à l’Observatoire de l’Afrique centrale et orientale à l’IFRI
  • Roland Marchal Chercheur à Sciences Po Paris

Même Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, fait l'aveu d’impuissance des missions de la paix onusiennes en République démocratique du Congo, où le groupe rebelle du M23 a repris les armes. Des combats ont éclaté dès le mois de mai dans l’est du pays alors que des Casques bleus y sont positionnés depuis plus de 20 ans.

L’idée des opérations de maintien de la paix a surgi en 1948, quand le médiateur de l’ONU en Palestine demanda qu’un petit groupe de soldats surveille la trêve entre Israël et ses voisins arabes. Pendant longtemps la mission des Casques bleus s’est limitée à cela : surveiller les lignes de cessez-le-feu ou simplement faire présence. Jusqu’à ce que le génocide au Rwanda en 1994, puis le génocide de Srebrenica en 1995, révèlent leur dramatique impuissance, et contraignent l’ONU à revoir les règles. Protéger les civils, former les forces de police, désarmer les milices, surveiller les violations des droits de l’homme, organiser des élections, les opérations de maintien de la paix sont désormais encadrées par une doctrine standardisée, invariablement appliquée quel que soit le contexte local. Comme si la paix pouvait se décréter.

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Direction l'Afrique pour réfléchir sur ces problématiques, car sur les douze opérations de maintien de la paix aujourd’hui, cinq sont déployées sur le continent africain.

Julie Gacon reçoit Séverine Autesserre, professeure à Columbia ainsi que Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l'IFRI.

"En RDC, les populations manifestent contre la Monusco en disant "vous ne faites pas bien votre travail", mais dès que la Monusco veut fermer une base dans un village et veut retirer ses soldats, il y a les mêmes manifestations mais cette fois pour dire "pourquoi partez-vous ?"Il y a donc cette réelle ambivalence : ce n'est pas un rejet complet de la Monusco mais un rejet de la manière dont les Casques bleus travaillent actuellement", analyse Séverine Autesserre.

"Il ne faut pas exagérer l'effet top-down des Nations unies. Il y a une déperdition assez forte des instructions qui viennent du sommet. De New York à Kinshasa jusqu'à Goma, même si les instructions descendent jusqu'à ce niveau-là, elles sont interprétées et plus ou moins mises en œuvre car c'est un système de pouvoir beaucoup plus complexe qu'une organisation verticale avec beaucoup d'interférences horizontales (nationales, locales...)", explique Thierry Vircoulon.

Pour aller plus loin :

Séverine Autesserre est l'autrice du livre Sur les fronts de la paix paru aux éditions Presses universitaires d'Oxford, et qui va paraître en français aux éditions Maison des sciences de l'homme en février 2023.

Thierry Vircoulon est l'auteur de la note La MINUSCA en Centrafrique, les casques bleus impopulaires publié sur le site internet de l'IFRI en mars 2022. Il a publié un dernier article en octobre 2022 dans The Conversation intitulé Après le Mali, le Burkina : avis de tempête pour la France au Sahel.

Seconde partie : le focus du jour

Au Somaliland, une fragile pacification politico-clanique

Mohamed Ibrahim Egal, le leader de la République auto-proclamée du Somaliland appelle la communauté internationale à reconnaître son pays, le 15/06/1997
Mohamed Ibrahim Egal, le leader de la République auto-proclamée du Somaliland appelle la communauté internationale à reconnaître son pays, le 15/06/1997
© AFP - Alexander Joe

Depuis 2008, le Somaliland connaît une relative stabilité construite autour d’un ordre politico-clanique élaboré par les différentes communautés en dehors de tout processus onusien. Comment cet État autoproclamé en 1991 et toujours non reconnu par la communauté internationale a-t-il construit sa propre paix, et comment faire coexister les logiques de clan et l’exercice démocratique ?

Avec Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris.

"Quand il y a des conflits, il y a d'emblée un gouvernement qui sait que l'idée fondamentale est de conserver la paix parce qu'elle est le meilleur indicateur d'une différence de trajectoire politique avec le sud de la Somalie, ce qui reviendrait à consolider la possibilité d'une reconnaissance internationale", observe Roland Marchal.

Références sonores

  • RDC : plusieurs morts dans les manifestations contre la Monusco ( africanews - 16/07/22)
  • Centrafrique : 4 morts à Bangui dans des manifestations anti-ONU ( France 24 - 24/10/16)
  • La Monusco ne veut pas battre le M23 parce que ce mouvement a des armes plus modernes ( Tele Renaissance - 19/09/22)
  • Somaliland : l'exception africaine ( ARTE - 05/10/21)

Références musicales

Préparation de l'émission

Une émission préparée par Barthélémy Gaillard.

L'équipe