Aïcha : "Ce jour-là, j’ai pris mon fils, un biberon, deux couches et je me suis enfuie"

Aïcha a été séquestrée et violentée pendant deux ans dans une ville de sud est de la France avant de s'enfuir en 2018 ©Radio France - Anne Fauquembergue
Aïcha a été séquestrée et violentée pendant deux ans dans une ville de sud est de la France avant de s'enfuir en 2018 ©Radio France - Anne Fauquembergue
Aïcha a été séquestrée et violentée pendant deux ans dans une ville de sud est de la France avant de s'enfuir en 2018 ©Radio France - Anne Fauquembergue
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À l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes proclamée par l’ONU chaque 25 novembre, nous donnons la parole à Aïcha, encore victime récemment de la violence de son ex-conjoint et de sa belle-famille.

Depuis 1999, le 25 novembre est la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Il s’agit de commémorer la mémoire de trois femmes originaires de la République dominicaine : les sœurs Mirabal, dites les "mariposas" pour les "papillons". Avocates engagées contre la dictature de Rafael Trujillo, elles furent assassinées par le régime le 25 novembre 1960. Cet événement annuel initié par l'ONU permet chaque année de sensibiliser les citoyens du monde entier aux violences faites aux femmes et aux filles, l’une des violations des droits de l’Homme les plus répandues dans le monde. En France par exemple, selon le ministère de l’Intérieur, en 2021, 122 femmes ont perdu la vie sous les coups de leurs compagnons et environ 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viol chaque année. Nous avons donné la parole à une femme qui depuis 2018 travaille à retrouver sa dignité et une vie saine après avoir été séquestrée et maltraitée pendant deux ans par son ex-mari. Nous l’avons appelé "Aïcha" pour des raisons de sécurité, son identité ne peut être rendue publique.

Une arrivée en France après un mariage arrangé en Algérie

En 2016, après un mariage arrangé en Algérie, Aïcha arrive en France dans une grande ville du sud-est. Elle a une vingtaine d'année et hâte de découvrir ce nouveau pays, la France qu'elle découvre pour la première fois. Mais, son ex-compagnon pourtant rassurant au départ, change soudainement de comportement :

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"En Algérie, on vivait ensemble, on avait un appartement, il ne me frappait pas car il y a avait ma famille. Arrivée en France, il m’a dit, tu n’as pas ta famille ici, tu n’as personne. Maintenant, je fais ce que je veux de toi."

Aïcha est séquestrée. Elle ne peut pas se faire d'amis, ni appeler sa famille. De plus, le couple n'a pas d'appartement mais habite chez la soeur de l'ex-mari qui considère la jeune femme comme une domestique.

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Des violences physiques qui débutent après la naissance de son premier enfant

En 2017, Aïcha tombe enceinte et la situation se dégrade :

"Quand je suis rentrée de l’hôpital, je me suis fait insulter et frapper par mon ex-mari et ma belle-sœur. Ma belle famille était complice de ces violences."

Dans le cas d'Aïcha, les mauvais traitements psychologiques étaient préalables à la grossesse. De rares études et plusieurs articles de presse relatent aussi comment et pourquoi cette période est un catalyseur de violences au sein du couple.

La fuite à Paris et la galère des hôtels

Un jour, son ex-conjoint quitte la maison et oublie de fermer la porte à clé. Aïcha comprend qu’il faut faire vite.

"Ce jour-là j’ai pris mon fils, un biberon, deux couches et je me suis enfuie."

Le Journal des idées
4 min

Un passant à qui elle demande de l’aide lui offre le billet pour la première destination au tableau des départs à la gare SNCF. Aïcha est enceinte de trois mois et embarque avec son premier enfant d’à peine un an pour Paris.
Elle ne parle pas très bien français à cette époque mais pour la première fois depuis de longs mois, elle se sent "un peu en sécurité" dans le train.

À Paris, un couple lui prête un téléphone pour qu’elle puisse appeler le 115. Aïcha entre alors dans des dispositifs d’urgence dont elle mettra des années à sortir. "Je me suis sentie parfois abandonnée" raconte-t-elle.

Mais elle se bat pour ses enfants, son fils et sa fille née en région parisienne. Aïcha met parfois deux heures matin et soir pour rejoindre l’association HAFB, "halte aide aux femmes battues", porte de Montreuil à Paris. Cette structure assure son suivi sur les plans social, psychologique et juridique. "C’est le problème pour de nombreuses femmes battues" explique la directrice Véronique Delepouve, "la plupart des hôtels sociaux sont en petite et grande couronne alors que les attaches des femmes sont à Paris. Certaines préfèrent rester avec leur mari violent plutôt que de devoir faire ces allers-retours".

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Un toit grâce à l’association HAFB, une formation et un divorce en perspective

Il y a quatre mois, Aïcha a pu obtenir une place dans un des appartements de l’association HAFB. (l'association dispose d'une trentaine de places d'accueil et non pas d'une trentaine d'appartements comme dit dans la bande sonore) Elle le partage avec une autre femme victime de violences et ses enfants de 4 et 5 ans. Ses démarches se trouvent facilitées. Ainsi, la jeune femme âgée aujourd’hui de 27 ans devrait pouvoir bientôt suivre une formation de Pôle emploi pour devenir agent d’accueil. Elle s’est également lancée dans une procédure de divorce. Seul le divorce lui permettrait de pouvoir retourner en Algérie présenter ses enfants à sa famille. Dans l'état actuel des choses, son ex-mari qui a toujours l'autorité parentale s'y opposerait. Aïcha a porté plainte. Elle sait que son ex compagnon est sous bracelet électronique anti-rapprochement et qu'il a fait lui aussi appel à la justice pour obtenir la garde des enfants.

*Nous avions rencontré Aïcha à l’occasion d’un reportage diffusé le 19 octobre dernier au sujet d’une proposition de loi du Sénat visant à créer une aide financière destinée aux victimes de violences conjugales, sous la forme d'une avance accordée par les caisses d'allocations familiale. Le 20 octobre 2022, le Sénat a adopté à l'unanimité en première lecture, avec modifications, la proposition de loi qui s'inspire d'une expérimentation en cours dans le département du Nord.

Le Sénat propose une aide d'urgence pour les femmes victimes de violences. Reportage d'Anne Fauquembergue

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