Hébergement d'urgence : l'Etat est-il défaillant ?

A Strasbourg, des dizaines de personnes dormaient sous des tentes ces dernières semaines. ©AFP - SEBASTIEN BOZON / AFP
A Strasbourg, des dizaines de personnes dormaient sous des tentes ces dernières semaines. ©AFP - SEBASTIEN BOZON / AFP
A Strasbourg, des dizaines de personnes dormaient sous des tentes ces dernières semaines. ©AFP - SEBASTIEN BOZON / AFP
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La mairie écologiste de Strasbourg veut attaquer l'Etat devant la justice. Elle l'accuse de ne pas jouer son rôle, et de laisser des familles à la rue. Un bras de fer très politique.

Chaque nuit, en France, au moins 2000 enfants se retrouvent sans solution, sans abri, sans hébergement. Ils sont parfois très jeunes. Ils sont de plus en plus nombreux. Chaque jour des milliers de personnes n’essaient même plus d’appeler le numéro 115. Les associations font toutes le même constat : l’hébergement d’urgence est saturé. A Strasbourg, la municipalité écologiste annonce qu'elle va attaquer l'Etat devant la justice. Elle l'accuse d'être "défaillant", de ne pas jouer son rôle. La maire, Jeanne Barseghian, rappelle l'engagement d'Emmanuel Macron lors de sa première campagne : que plus personne ne soit à la rue... fin 2017.

Promesse de campagne ? Oui ! D’ailleurs, cette année, les écologistes ont pris le même engagement, avec leurs partenaires de la Nupes - c’est dans leur programme. Ils ne sont pas les premiers ; il y a vingt ans, déjà, Lionel Jospin faisait la même promesse, annonçant, s'il était élu, que la France ne compterait plus aucun SDF à la fin du quinquennat. Le grand écart, de l'utopie à la réalité, c'est toujours la même question.

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Un bras de fer très politique

Si Strasbourg attaque l'Etat maintenant, c'est parce que la ville est débordée. L'édile affirme qu’elle a déjà ouvert 500 places d’hébergement. Au mois d’octobre, avec d’autres maires, elle avait interpellé Elisabeth Borne. Cette fois, elle veut aller devant la justice. Si elle le fait maintenant, précisément, il y a une autre raison. Un camp de migrants s’est installé sous les fenêtres de la mairie. Le tribunal administratif a ordonné à la ville de le démanteler. C'est fait depuis ce matin, mais la mairie répète qu'elle n'a pas de solution d’hébergement pour les familles qui vivaient sous ces tentes. Cette situation dure depuis plusieurs mois. La municipalité écologiste et le gouvernement s’accusent mutuellement de ne pas faire le nécessaire. Un bras de fer politique, et sans issue.

A Paris, là aussi, la mairie veut trouver 1000 places supplémentaires, en urgence. Les mêmes camps remplis d’exilés se forment et se reforment sous les ponts du métro ou aux portes de la capitale. Des familles, des célibataires, parfois mineurs ou tous justes majeurs. Ils cherchent une vie meilleure. Ils n’ont pas de papiers. Des associations essaient de les rendre visibles. Plusieurs centaines de personnes étrangères et sans-abri campent en ce moment devant le Conseil d’Etat, dans un froid glacial.

Le logement, plutôt que l'hébergement

Les hébergements d’urgence sont tout de même beaucoup plus nombreux qu’avant ; ils sont presque 200 000 en France. Au début de la pandémie, le gouvernement en a créé plus de 40 000. Cet automne, il a tenté d’en supprimer une partie, pour faire des économies. Sous la pression des élus locaux et des associations, il a renoncé. Ces 200 000 places vont être maintenues, et pas seulement pour l’hiver. C’est un progrès.

Mais ce progrès n'a de sens que si l'Etat agit sur un autre levier : le logement. Rien ne remplace un vrai toit, et certainement pas un hébergement d’urgence, forcément provisoire, souvent insalubre. Il y a quelques années, l’Etat a lancé le programme "Logement d’abord". Selon le gouvernement, depuis 2017, 300 000 personnes supplémentaires ont maintenant un domicile, grâce à ce dispositif. Il faut aller beaucoup plus loin. La crise du logement s'accentue. Pour des millions de Français - pas seulement ceux qui sont à la rue - cette question du logement est centrale. Pour les politiques, elle reste secondaire. Pendant la campagne présidentielle, les candidats en ont trop peu parlé. Il est temps d'agir, plus fort, et maintenant.

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