COP15 : l’avenir du vivant suspendu au jeu diplomatique : épisode • 1/4 du podcast Biodiversité : l’imparfaite protection

Justin Trudeau, Premier ministre canadien, prend la parole lors de l’événement "Compte à rebours pour les leaders de COP15", Central Parc, New York, le 20/09/22 ©AFP - Monica Schipper
Justin Trudeau, Premier ministre canadien, prend la parole lors de l’événement "Compte à rebours pour les leaders de COP15", Central Parc, New York, le 20/09/22 ©AFP - Monica Schipper
Justin Trudeau, Premier ministre canadien, prend la parole lors de l’événement "Compte à rebours pour les leaders de COP15", Central Parc, New York, le 20/09/22 ©AFP - Monica Schipper
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Alors que les études font état d’une dégradation constante de la biodiversité à l’échelle mondiale, la COP15 biodiversité s'ouvre après deux années de report ce mercredi 7 décembre, pour discuter des nouveaux objectifs de préservation des écosystèmes, deux semaines seulement après la COP du climat.

Avec
  • Catherine Aubertin Economiste de l’environnement, et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), affectée au Muséum national d’Histoire naturelle
  • Sébastien Treyer Directeur général de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
  • Florian Kirchner Chargé du programme Espèces au sein du comité français de l'UICN

« On lit dans les livres que dans les temps les plus reculés, un singe parti de Rome pouvait, en sautant d’un arbre à l’autre, arriver en Espagne sans jamais toucher terre. De mon temps, seul le territoire du golfe d’Ombrosa, boisé d’un bout à l’autre, avec sa vallée jusqu’aux crêtes des monts, présentait une telle densité d’arbres. Aujourd’hui ces contrées sont devenues méconnaissables », Italo Calvino dans Le baron perché.

C’est un cercle indéfiniment vicieux que décrivent les scientifiques et le WWF : plus les températures augmentent et plus certaines espèces, végétales ou animales, sont fragilisées : arbres, oiseaux, chauves-souris, poissons, récifs coralliens… En retour, ces changements de biodiversité affectent les cycles du carbone et de l’eau et donc accélèrent le changement climatique. Mais climat et biodiversité font toujours l’objet de sommets internationaux distincts. Ainsi la COP15 biodiversité s’ouvrira mercredi 7 novembre à Montréal après un report de deux ans dû à la pandémie de Covid. Cette année, les Etats participant à cette COP15 doivent renégocier l’application des objectifs d’Aïchi, établis en 2010 et dont à peine la moitié, soit une dizaine, ont réellement été pris en compte par les Etats signataires.

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La biodiversité est-elle le parent pauvre des négociations internationales sur le climat ? Quel cadre d’action peut trouver les Etats pour la prochaine décennie, puisque tel est l’enjeu ? Quels rapports de force se jouent entre pays du sud et du nord pour ratifier les accords ?

Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Sébastien Treyer, directeur général de l'Iddri, Institut du développement durable et des relations internationales ainsi que Catherine Aubertin, économiste de l’environnement et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) affectée au Muséum national d’Histoire naturelle.

"Ce qu'on veut absolument faire avec cette COP15 biodiversité, c'est s'assurer de faire comme lors de la COP sur le climat, à savoir de lui donner une impulsion politique. Le but de cette discussion internationale serait de faire pression pour que la mise en œuvre des politiques autour de la biodiversité dans les pays se fasse plus rapidement. [...] L'intérêt d'avoir eu les chefs d'Etat à la COP sur le climat fut de donner un mandat aux ministres et aux diplomates qui viennent négocier les moyens de conclure des accords conséquents", observe Sébastien Treyer.

"Lors des COP biodiversité, le terme « biopiraterie » est utilisé pour parler du pillage par les pays industriels des ressources génétiques dans les pays du tiers-monde. Et ce afin d'en faire des médicaments et de déposer des brevets. Le but était aussi d'en tirer des revenus très importants dont les pays du sud, fournisseurs et gardiens de cette biodiversité ne profitaient pas. L'idée, lors de l’écriture et de la signature du protocole de Nagoya de 2010, était de mettre en lumière ce modèle de pillage pour construire un discours de combat dans le but de réclamer un juste retour des connaissances et du travail de conservation des populations sur leurs ressources génétiques. Voilà la logique du troisième objectif du protocole de Nagoya, à savoir le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation de l’accès aux ressources génétiques. On retrouve cet objectif parmi les 22 cibles du nouveau cadre mondial pour la biodiversité à Montréal, mais cette fois-ci on va essayer de quantifier financièrement ce retour demandé des ressources. Or, l'on sait d'ores et déjà qu'il est dérisoire puisque la plupart des ressources génétiques pillées ont été le fait de chercheurs et à visées non commerciales", explique Catherine Aubertin.

Mécaniques du vivant
58 min

Seconde partie : le focus du jour

La conférence de la Cites sur le commerce d'espèces sauvage : la COP qui marche ?

La déléguée du ministère de l'environnement du Panama Shirley Binder assiste à la Cites lors d'un vote sur la protection des requins, à Panama, le 17/11/22
La déléguée du ministère de l'environnement du Panama Shirley Binder assiste à la Cites lors d'un vote sur la protection des requins, à Panama, le 17/11/22
© AFP - Luis Acosta

Il y a quelques jours, se tenait à Panama City en amont de la COP15 biodiversité un autre rendez-vous diplomatique important, la Cites, c'est-à-dire la Convention sur le commerce international des espèces sauvages. Une réunion internationale qui rassemble 183 pays ainsi que l'Union Européenne chargés de catégoriser ensemble les espèces animales dont il faut réguler le commerce. Cette instance de négociation, comparée à ses cousines du climat ou de la biodiversité, semble parvenir à des résultats concrets. Cette année par exemple, les discussions ont été particulièrement fructueuses, notamment avec la régulation du commerce du requin...

Florian Kirchner, chargé du programme Espèces au sein du comité français de l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, répond aux questions de Bertille Bourdon

"Le problème est que jusqu'à maintenant, il n'y avait aucune régulation autour de la pêche des requins dans les eaux nationales et internationales. Il s'agit donc d'une véritable avancée que la convention de la Cites décide d'encadrer le commerce international des requins. Les requins entrent dans l'Annexe II de la Cites qui encadre le commerce mais ne l'interdit pas. On passe donc d'un état où tout était possible à une situation où les Etats exportateurs ou importateurs de requins vont avoir des quotas d'importation et d'exportation et devront rendre des comptes à la Cites.", explique Florian Kirchner.

Références sonores & musicales

  • Biodiversité : 1 million d'espèces menacées d'extinction selon un rapport de l'ONU ( France 24 - 06/05/19)
  • Florian Kirchner, chargé du programme espèce à l’IUCN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, lors d'un entretien réalisé par Camille Etienne ( Facebook - 14/10/21)
  • Justin Trudeau annonce l’ouverture de la COP en septembre ( cpac - 20/09/22)
  • Indira Ghandi lors de Conférence des Nations unies sur l'environnement en 1972 ( UN Environment Programme)
  • Interview de l'avocate de la fondation Marviva, Ligia Rodriguez, lors la COP29 à Panama ( Fundación MarViva - 18/11/2022)
  • "Beds are burning" de Midnight Oil (1987) (groupe Australien) de Peter Garrett, le chanteur qui deviendra ministre de l'Environnement de 2007 à 2010.

Une émission préparée par Bertille Bourdon.

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