Emma Bovary est-elle le personnage le plus bête de la littérature ? : épisode du podcast Grands classiques de la littérature

Isabelle Huppert sur le tournage du film "Madame Bovary" réalisé par Claude Chabrol en octobre 1990 ©Getty - Jacques PRAYER/Gamma-Rapho
Isabelle Huppert sur le tournage du film "Madame Bovary" réalisé par Claude Chabrol en octobre 1990 ©Getty - Jacques PRAYER/Gamma-Rapho
Isabelle Huppert sur le tournage du film "Madame Bovary" réalisé par Claude Chabrol en octobre 1990 ©Getty - Jacques PRAYER/Gamma-Rapho
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Incarnation de l’intellectuelle ambitieuse déterminée à s'élever socialement, ou idiote sensuelle incapable de se satisfaire de son sort ? Comment l’héroïne de Flaubert a-t-elle donné lieu au mythe du bovarysme ? Et pourquoi continue-t-elle à diviser ?

Avec
  • Delphine Jayot Enseignant-chercheur en littérature française à l’Université Eötvös Loránd à Budapest

En 1857, Flaubert nous présente Emma Bovary. Fille de paysans mariée à un médecin normand, elle ne peut s'empêcher de courir après un idéal amoureux, fuite qui la conduira à la ruine et au suicide. Obsédée par le fantasme d'une autre vie et passant à côté de la sienne, Emma Bovary serait-elle le personnage le plus bête de la littérature ?

Emma Bovary : abusée par des mots

“Emma se trompe sur la question de l'amour et sur celle du bonheur. Pendant son enfance, elle a été abusée par des mots, par du langage qui l’empêche de vivre sa vie de femme. Car elle tente des choses qui ne sont pas forcément couronnées de succès, notamment sa fuite avec Rodolphe. On pourrait vraiment se demander ce qui se passerait réellement si Rodolphe ne l'avait pas abandonnée. Mais le rêve de Bovary est de vivre quelque chose de plus fort, de plus beau que ce qu’elle vit actuellement. La puissance de son rêve et de son désir est tellement forte que la réalité ne peut qu'être décevante.” Delphine Jayot

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Pas de morale chez Madame Bovary ?

“Il n'y a pas véritablement de conclusion à Madame Bovary*. Si on lit la fable de La Fontaine,* La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf*, on voit que la grenouille aspire à être autre qu'elle n'est. Ça ne se termine pas bien pour elle et tout le monde comprend que c'est du fait de son ambition démesurée. Après avoir lu* Perrette et le pot au lait*, on comprend qu’il ne fallait pas rêvasser parce que le lait est tombé sur le sol. Avec* Madame Bovary, c'est beaucoup plus compliqué que ça. Parce que ce n’est pas uniquement la question du changement de la classe sociale. On peut le lire sous cet angle, mais il y a bien un aspect sentimentaliste chez Emma.” Delphine Jayot

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Emma Bovary : sensualiste, romanesque, ou les deux ?

“Certains lecteurs de Bovary vont développer la thèse d'une Emma sensualiste. Elle est sensuelle et on la condamne pour cela, car évidemment, c'est un risque pour les normes maritales. À cette thèse sensualiste s’oppose la thèse d’une Emma trop cérébrale, trop romanesque. Elle a trop lu, ce qui la fait rêver et l’enferme dans une imagination qui est également tout à fait dangereuse. Et c’est pourquoi, durant toute une époque, on n’arrive pas à comprendre ce que Flaubert veut dire avec Madame Bovary. Car il a mis les deux thèses à égalité : le cœur vaut bien le cul. Ou du moins une femme peut à la fois être désirante physiquement et mentalement. Car Madame Bovary représente la libido au sens large, c'est-à-dire l'énergie désirante.” Delphine Jayot

Sons diffusés :

  • Bande-annonce du film de Claude Chabrol, Madame Bovary, 1991
  • Lecture d'une lettre de Flaubert sur la difficulté d’écrire Madame Bovary, dans l’émission Flaubert au travail, France Culture, 22/08/1983
  • Lecture d'une lettre de Flaubert sur l’écriture de la scène du bal, dans l’émission Flaubert au travail , France Culture, 23/08/1983
  • Lecture par Clémentine Célarié du chapitre 8 de la première partie de Madame Bovary
  • Lecture par Jean Negroni et Vera Feyder du chapitre 2 de la deuxième partie de Madame Bovary dans l'émission Flaubert au travail, France Culture, 23/08/1983
  • Lecture par Claude Cyriaque du chapitre 3 de la deuxième partie de Madame Bovary
  • Extrait de l’adaptation radiophonique du roman de Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, réalisé par Georges Godebert, 06/12/1971
  • Chanson de Nicole Croisille, Emma (je m’appelle Emma)
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