Art et préhistoire : à la recherche du sens perdu

Panneau des chevaux - Salle Hillaire de la Grotte Chauvet (Ardèche). - © J. Clottes - Centre National de la Préhistoire - Ministère de la Culture
Panneau des chevaux - Salle Hillaire de la Grotte Chauvet (Ardèche). - © J. Clottes - Centre National de la Préhistoire - Ministère de la Culture
Panneau des chevaux - Salle Hillaire de la Grotte Chauvet (Ardèche). - © J. Clottes - Centre National de la Préhistoire - Ministère de la Culture
Publicité

Les chercheurs ont longtemps cru que l’art était né en Europe, il n’en est rien ! Nous savons désormais que cette émergence fut mondiale… Pour autant, surgirait-il d’un coup d’un seul, ou tout au contraire, pourrions-nous en percer ses balbutiements ?

Avec
  • Patrick Paillet Archéologue, préhistorien, maître de conférences du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN)
  • Éric Robert Archéologue, préhistorien, spécialiste de l'art rupestre préhistorique, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN).

Le Musée de l’Homme rassemble aujourd’hui quelque 90 merveilles, pièces originales exposées pour l’occasion, dont la vénus de Lespugue, en majesté, mais aussi des chefs-d’œuvre provenant des grottes d’Isturitz, d’Enlène, de la Marche, du Mas-d’Azil, ou de l’abri du Rocher de l’impératrice.

Patrick Paillet "Il n'y a pas d'art préhistorique, il y a "des" arts de la préhistoire, c'est déjà une première chose. Les arts de la préhistoire sont des manifestations graphiques plastiques qui inondent de par le monde tous les types de supports depuis au moins 45 000 ans, peut être plus. [...] Quand Sapience peuple, petit à petit, les différents continents, il va imprégner sa présence dans la nature, sur les objets, au travers d'images tirées de la nature, de son environnement et de son propre imaginaire."

Publicité
Peinture de crabe - Boqueira da Pedra Furada (Brésil) - Holocène, non daté
Peinture de crabe - Boqueira da Pedra Furada (Brésil) - Holocène, non daté
- © Jean-Loïc Le Quellec
La Vénus de Lespugue, sculptée dans de l'ivoire de mammouth, découverte en 1922, dans la Grotte des Rideaux, à Lespugue (Haute-Garonne)
La Vénus de Lespugue, sculptée dans de l'ivoire de mammouth, découverte en 1922, dans la Grotte des Rideaux, à Lespugue (Haute-Garonne)
- © MNHN - J.-C. DOMENECH
La Vénus de Lespugue vue de face et de dos.
La Vénus de Lespugue vue de face et de dos.
- © MNHN - J.-C. DOMENECH

Éric Robert "Ces arts de la préhistoire ne sont pas une copie de cette nature et de cet environnement. En revanche, ils sont une inspiration directe. On y retrouve principalement et notamment les animaux, ceux qui sont présents dans leur environnement. Mais ces arts sont aussi "inscrits" dans leur paysage et dans leur environnement, qu'il s'agisse des grottes, des abris, des parois de plein air, toutes ces figures, ces représentations, ces peintures, ces gravures, elles prennent corps et sens sur des parois, sur des roches."

Carbone 14, le magazine de l'archéologie
31 min
Vénus de Laugerie-Basse dîte impudique, sculptée dans de l'ivoire de mammouth (Eyzies-de-Tayac, en Dordogne)
Vénus de Laugerie-Basse dîte impudique, sculptée dans de l'ivoire de mammouth (Eyzies-de-Tayac, en Dordogne)
- © MNHN - J.-C. DOMENECH

Éric Robert "Il y a des toutes petites statuettes, parfois très étonnantes, d'à peine un ou deux centimètres de haut et au contraire des bâtons percés ou des propulseurs, beaucoup plus majestueux. Et ces derniers, justement, sont aussi des objets du quotidien, parce que ce ne sont pas "que" des objets d'art. Ce sont aussi des outils, des armes, des objets qui leur servaient pour la chasse, pour travailler les peaux, pour fabriquer des outils."

L’exposition « Arts et Préhistoire » souhaite mettre en lumière « le génie créatif de nos ancêtres du Paléolithique supérieur, […] mais aussi de la Préhistoire plus récente, et illustrer les liens profonds que les humains du passé entretenaient avec la nature ». Toutefois, à l’évidence, l’ambition des artistes n’était pas seulement de copier le réel. Il nous faut alors réfléchir à l’imaginaire de ces artistes préhistoriques.

Haut : représentation d'une sauterelle (très rare) sur un os (grotte d'Enlène) / Bas : salamandre sculptée dans du bois de renne (abri de Laugerie-Basse)
Haut : représentation d'une sauterelle (très rare) sur un os (grotte d'Enlène) / Bas : salamandre sculptée dans du bois de renne (abri de Laugerie-Basse)
- © MNHN - J.-C. DOMENECH
Carbone 14, le magazine de l'archéologie
30 min
À écouter ou à réécouter : Vénus sortie des fouilles
Carbone 14, le magazine de l'archéologie
28 min

Patrick Paillet "Les humains sont plus rares dans l'iconographie et sont surtout assez souvent transformés. Ils sont animalisés, bestialisés, bien souvent, et les têtes présentent des prognathismes particuliers qui ne répondent pas du tout évidemment aux critères anatomiques d'Homo sapiens. Les corps sont parfois un tout petit peu torturés, mais surtout ces humains sont souvent fragmentés et rarement représentés complets."

Plaquette de schiste, gravée d'aurochs rayonnant trouvée dans l’abri sous roche du Rocher de l’Impératrice, à Plougastel-Daoulas (Finistère)
Plaquette de schiste, gravée d'aurochs rayonnant trouvée dans l’abri sous roche du Rocher de l’Impératrice, à Plougastel-Daoulas (Finistère)
- © Nicolas Naudinot, Université Côte d'Azur CNRS CEPAM, propriété du conseil départemental du Finistère

Dessine-moi un… bison !

Les toutes premières représentations d'animaux s'avèrent souvent celles d’animaux dangereux, le lion notamment comme l’ont révélé les grottes du jura souabe, notamment celle de Vogelherd Heidenheim (Allemagne). Par la suite, durant les périodes plus récentes, de nouveaux choix culturels s'opèrent, les parois des cavernes s’animent alors de cortèges de chevaux, de bisons. En revanche, l’antilope saïga, le loup, le renard, la belette, ou encore les phoques y sont souvent exceptionnels.

>>> A visiter, l'exposition " Arts et préhistoire" au Musée de l'Homme du 16 novembre 2022 au 22 mai 2023. Vidéo de présentation de l'exposition (chaîne you tube du Musée de l'Homme).

>>> A visionner et écouter, la conférence de Patrick Paillet et Éric Robert, commissaires de l'exposition "Arts et préhistoire", Sapiens, artiste sans frontières, donnée le 30 novembre 2022 (chaîne You tube du Musée de l'Homme).

Bâton percé, gravé d'animaux (bois de renne, abri de Montgaudier) / Deux bouquetins sculptés sans tête, d'un  bâton propulseur (bois de renne, grotte d'Enlène)
Bâton percé, gravé d'animaux (bois de renne, abri de Montgaudier) / Deux bouquetins sculptés sans tête, d'un bâton propulseur (bois de renne, grotte d'Enlène)
- © MNHN - J.-C. DOMENECH
Quatre théranthropes en marche - Schaaplaats (Afrique du Sud) - Holocène
Quatre théranthropes en marche - Schaaplaats (Afrique du Sud) - Holocène
- © Jean-Loïc Le Quellec

Pour aller plus loin

Gravure d'une tête de bison sur palme de renne.
Gravure d'une tête de bison sur palme de renne.
- © MNHN-JC DOMENECH

Éric Robert "Le cheval, c'est un peu la clé de voûte. C'est celui qui porte notamment tout cet art paléolithique, en tout cas pour les périodes les plus anciennes, parce qu'il faut à chaque fois se replonger dans ces contextes et dans ces environnements. Chevaux, bisons, cervidés, le mammouth aussi."

Baleine gravée sur la falaise de Bangudae (Corée du Sud). Néolithique.
Baleine gravée sur la falaise de Bangudae (Corée du Sud). Néolithique.
- © Jean-Loïc Le Quellec

L'équipe