Qatargate : les méthodes d’un émirat

Bruxelles, depuis le 9 décembre 2022, des accusations pèsent de corruption par "un pays du Golfe" pèsent sur des membres du Parlement européen. ©AFP - Kenzo TRIBOUILLARD
Bruxelles, depuis le 9 décembre 2022, des accusations pèsent de corruption par "un pays du Golfe" pèsent sur des membres du Parlement européen. ©AFP - Kenzo TRIBOUILLARD
Bruxelles, depuis le 9 décembre 2022, des accusations pèsent de corruption par "un pays du Golfe" pèsent sur des membres du Parlement européen. ©AFP - Kenzo TRIBOUILLARD
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En pleine Coupe du monde de football au Qatar, des valises de billets ont été retrouvées lors de perquisitions qui visent une vice-présidente et un ancien député du parlement européen. Cette actualité jette le doute sur la transparence de l’institution et l’intégrité de ses parlementaires.

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A-t-on des raisons de douter des politiques quand on aborde le sujet de l’influence qatarie en Europe ? Réponses avec Bernard Guetta, député européen du groupe Renew, et Georges Malbrunot, grand reporter pour Le Figaro, spécialiste du Moyen-Orient.

Une affaire de corruption qui ne pourra pas être cachée sous le tapis

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« Il y a 30 ans, il y avait des valises d’argent. Rassembler des petites coupures de 20 euros et de 50 euros pour corrompre quelqu’un reste un procédé sophistiqué. Dans le cas de cette affaire autour du Parlement européen, il y a un amateurisme qui surprend,mais pour le reste, je ne suis pas surpris. Le Qatar a toujours essayé d’acheter de l’influence » insiste Georges Malbrunot.

« C’est une affaire qui peut encore connaître des évolutions » soutient quant à lui Bernard Guetta. « La pratique du cadeau est très répandue, celle de la tribune politique, aussi. Tel ou tel parlementaire défend le Qatar par voie de presse. Là, la grande différence avec les autres affaires est que la politique grecque Eva Kaili a été prise en flagrant délit." soutient Georges Malbrunot, avant d'ajouter :« L’argent pollue aussi la relation entre la France et le Qatar. Ce sont à la fois nos alliés et nos clients » et, pour la première fois,« la justice belge va essayer de tracer la cartographie des amis du Qatar » en enquêtant sur cette affaire de corruption à l’échelle européenne.

Un Etat du Golfe à la recherche d’un réseau d’influence en Europe

« Il se joue entre les pays du Golfe une intense guerre de l’ombre » explique Georges Malbrunot, journaliste spécialisé du Moyen-Orient au Figaro.« Le Parlement européen est l’un des théâtres de cette guerre. Le Qatar, l’Arabie saoudite, le Koweït ou encore la Russie sont tous à la recherche de relais d’influences qui auraient pour but de les défendre lorsqu’ils sont accusés, par exemple dans le cas du Qatar, de mal organiser la Coupe du monde de football 2022 ou de persécuter les communautés LGBT ». Bernard Guetta nuance cette vision en ajoutant qu'« à sa connaissance, il n’y a pas, au Parlement européen, de parlementaires qui applaudissent l’initiative de l’invasion russe de Poutine en Ukraine. »

Tous deux sont néanmoins d’accord sur le fait que ces émirats connaissent « très bien » certains chefs d’Etat européens. C'était notamment le cas des présidents français Nicolas Sarkozy et avant lui Jacques Chirac, qui se sont rapprochés du Qatar à mesure que le pays était plus présent sur la scène internationale.

Les élites sont-elles influencées par l’argent du Qatar ?

« On sait aujourd’hui que des députés sont invités à Doha et reviennent avec des montres de luxe » souligne Georges Malbrunot. Par exemple, selon le grand reporter, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture à l'époque, s’était vu offrir une montre de luxe d’une valeur estimée à 85 000 euros par l’émir du Qatar, en 2016. Le ministre avait ensuite déclaré cette montre au Mobilier national – qui s’occupe des biens de l’Etat français – afin qu’elle devienne un bien de l’Etat.

« A partir de 2007, il y a eu une intensification de la relation entre la France et le Qatar avec l’élection de Nicolas SarkozyC’est là qu’ont probablement commencé un certain nombre de dérives » explique Georges Malbrunot.« Le premier acte politique de Nicolas Sarkozy ? » fait mine de se demander le journaliste : « obtenir du Qatar qu’il paie 450 millions d’euros pour faire sortir de prison les infirmières bulgares (retenues en Lybie, NDLR). En échange, l’émir du Qatar a obtenu qu’il soit le premier dirigeant arabe en visite officielle à Paris » détaille Georges Malbrunot, avant d’ajouter que« les Qatariens sont amis avec tout le monde y compris avec des gens avec lesquels on ne parle pas. Ils nous rendent donc des services » sur le terrain diplomatique.

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