2 000 enfants à la rue chaque nuit : l’hébergement d’urgence en tension cet hiver

Emmaüs Solidarité présente dans le domaine de Grignon dans les Yvelines, réquisitionné par le gouvernement pour les sans-abris, décembre 2022. ©Radio France - Marie-Aimée Copleutre
Emmaüs Solidarité présente dans le domaine de Grignon dans les Yvelines, réquisitionné par le gouvernement pour les sans-abris, décembre 2022. ©Radio France - Marie-Aimée Copleutre
Emmaüs Solidarité présente dans le domaine de Grignon dans les Yvelines, réquisitionné par le gouvernement pour les sans-abris, décembre 2022. ©Radio France - Marie-Aimée Copleutre
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Cet hiver, au moins 6 000 familles, dont 2 000 enfants mineurs, dormiraient dehors chaque nuit. Un chiffre annoncé par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Le plan grand froid, lancé par le gouvernement ne suffit pas. Il manque des places d'hébergements.

Des femmes enceintes et des nourrissons dorment dehors en France

Depuis fin novembre, les associations comme la Fondation Abbé Pierre, la Croix Rouge ou encore Emmaüs interpellent le gouvernement. Alors qu’il neige et que le froid est glaçant, des nourrissons et des femmes enceintes dorment dehors. Le pire se déroule en Seine-Saint-Denis. Dans l’un des départements les plus pauvres de France, la plateforme d’urgence, le 115, est saturée et ne peut répondre à tous les appels. Les familles appellent mais, à l’autre bout du fil, personne ne répond. Faute de place dans les hôtels, les gymnases ou les centres d’hébergement d’urgence, les familles ne peuvent pas être logées. L’association Inter logement 93 écrit sur son compte Twitter "Le 14 décembre, 338 personnes dont 25 femmes enceintes ont dormi dehors, le 15 décembre c’est 164 personnes dont 5 bébés de 1 mois et le 16 décembre 194 personnes dont 27 enfants de moins de trois ans".

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Réquisition exceptionnelle du domaine de Grignon dans les Yvelines pour 200 familles

Le plan grand froid a été déclenché par le gouvernement le 12 décembre. Depuis, dans toute la France, des gymnases ont ouvert. Autre action du gouvernement, la réquisition du domaine de Thiverval-Grignon dans les Yvelines. Un château inutilisé qui servait aux étudiants d’Agro Paris Tech. C’est le ministre délégué à la ville et au logement, Olivier Klein, qui a demandé à la Préfecture des Yvelines et à la mairie de Thiverval-Grignon de le mettre à disposition d’Emmaüs Solidarité. Le domaine va accueillir 200 familles à la rue.

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Le ministre délégué à la ville et au logement, Olivier Klein au domaine de Thirveval-Grignon dans les Yvelines
Le ministre délégué à la ville et au logement, Olivier Klein au domaine de Thirveval-Grignon dans les Yvelines
© Radio France - Marie-Aimée Copleutre

Parmi les familles accueillies, beaucoup viennent du Soudan, du Mali, de l’Érythrée ou du Tchad. Dans le groupe, il y a Marie, une petite-fille de 8 ans, originaire du Congo. Après avoir vécu trois ans en Grèce, elle est arrivée en France, il y a trois mois. "J’ai dormi dehors avec ma maman et mes sœurs. Il faisait très froid, il y avait même de la neige. On a appelé le 115, mais ils nous ont dit que ce n’était pas possible de dormir dans une maison. Après, le 115 nous a dit qu’il y avait un lieu pour nous, donc on a été à la gare, puis on a pris le bus et nous sommes arrivées ici."

Marie et sa sœur au domaine de Thiverval-Grignon dans les Yvelines
Marie et sa sœur au domaine de Thiverval-Grignon dans les Yvelines
© Radio France - Marie-Aimée Copleutre

L’action de réquisition du domaine intervient dans un moment critique. Elle ne suffit pas, mais reste saluée par les associations, notamment Emmaüs, en charge du lieu d’hébergement d’urgence. "C’est plutôt une bonne opération, car le lieu est digne, chauffé, et convient très bien pour accueillir des familles. C’est mieux que des gymnases, où les personnes sont entassées et dorment toutes ensembles, sans intimité", explique Lofti Ouanezar, directeur d’Emmaüs Solidarité. Il estime pourtant que cette action devrait être multipliée partout en France.

102 000 et 104 000 personnes hébergées chaque jour en France

L’observatoire des inégalités précise qu'en 2022 102 000 à 104 000 personnes sans-abris ont été hébergées chaque jour dans des hôtels ou des foyers. Faute de place, il y aurait aussi 5 000 à 6 000 personnes par jour non-logées. Ce chiffre de 6 000 personnes paraît sous-estimé pour les associations comme Emmaüs Solidarité ou la Fondation Abbé Pierre, puisqu'il ne prend pas en compte les personnes qui n'appellent pas le numéro d'urgence, le 115. 
C’est le cas de Yann. Il vit dans la rue à Paris depuis 2007 et chaque nuit, il dort dans sa tente sans jamais appeler le 115. Lors d'une maraude organisée par l'association " Dans ma rue", il se confie à l'une des bénévoles : "Les foyers d’urgence, je n'y vais pas parce qu'il n’y a pas de place et puis moi, je n’aime pas ça. On arrive le soir et directement on doit vite repartir le lendemain matin. On est jeté dans la rue après avoir pris le petit-déjeuner", explique Yann.

L’association « Dans ma rue » effectue des maraudes dans le 15ème arrondissement de Paris en décembre 2022
L’association « Dans ma rue » effectue des maraudes dans le 15ème arrondissement de Paris en décembre 2022
© Radio France - Marie-Aimée Copleutre

Des maraudes toute l’année

Pour Yann, ces maraudes sont essentielles. Un café, un thé ou du chocolat, c'est ce qu'offre l’association de maraudes hebdomadaires "Dans ma rue". Chaque samedi après-midi, les bénévoles se rendent auprès des sans-abris dans le 10e, le 13e et le 15e arrondissement. En plein mois de décembre, Caroline Pierre, bénévole, croise un peu moins de personnes : "Il y un tout petit peu moins de sans domicile l’hiver que l’été, mais ce n’est pas très probant. Nous croisons des personnes qui dorment à l’année dans la rue et même si elles ont une place dans un foyer d’urgence, la plupart du temps elles sont dans la rue la journée pour faire la manche".

Les Pieds sur terre
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