Pénurie de médicaments : la santé sous tension

Depuis quelques semaines, les pharmacies font face à des pénuries de paracétamol, notamment pour les enfants. ©AFP - Charly Triballeau
Depuis quelques semaines, les pharmacies font face à des pénuries de paracétamol, notamment pour les enfants. ©AFP - Charly Triballeau
Depuis quelques semaines, les pharmacies font face à des pénuries de paracétamol, notamment pour les enfants. ©AFP - Charly Triballeau
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Après des épidémies de grippes et de bronchiolites particulièrement sévères en France, des tensions se font sentir depuis plusieurs semaines, voire mois, sur l'approvisionnement en médicaments. Paracétamol, Amoxicilline… De nombreuses pharmacies font déjà face à des situations de pénuries.

Avec
  • Frédéric Bizard Économiste, professeur associé à l’ESCP Europe, président de l’Institut Santé
  • Pierre Tattevin Chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes

Avec Frédéric Bizard, économiste de la santé, professeur d’économie à l’ESCP et président de l’Institut Santé. Auteur de L’autonomie solidaire en santé (éditions Michalon, 2021) et Pierre Tattevin, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine) et vice-président de la Société de pathologie infectieuse de langue française.

Aujourd'hui, 80% des matières premières des médicaments proviennent de Chine et d'Inde. Mais la Chine est actuellement confrontée à une vague épidémique de Covid-19 et les usines fonctionnent au ralenti, y compris les usines qui produisent des médicaments et matières premières. Quant à la demande, elle est forte au niveau mondial. La France connaît en particulier une épidémie précoce de bronchiolite et de grippe. Ainsi des médicaments essentiels viennent à manquer, comme le paracétamol et l'amoxicilline.

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Le rôle des acteurs privés

Frédéric Bizard explique que chaque industriel gère sa production en fonction des estimations basées sur les ventes des années précédentes, ce qui pose problème aujourd'hui "Les prévisions de production pour l'année 2022-2023 ont été faussées par le fait que 2020-2021 aient été des années plus faibles de consommation du fait des confinements. On ne relance pas une chaîne de production en quelques heures." Par ailleurs, il n'existe pas de solution de remplacement de l'amoxicilline adéquate. S'il existe d'autres antibiotiques moins utilisés qui pourraient remplacer cette molécule, selon Pierre Tattevin, cela n'est pas viable "Si on dit qu'on va utiliser l'antibiotique B, il n'y en a pas un qui se dégage de manière vraiment évidente, on n'aura pas de quoi couvrir les 2/3 des consommations car ils ne sont pas produits pour couvrir 2/3 des consommations."

Le rôle de l'état et la régulation des marchés

Mais la crise pourrait être d'ordre politique. "75% de la dépense du médicament est financée par la sécurité sociale, par le bien commun des Français. Donc on ne peut pas laisser le libre marché décider de la bonne disponibilité des produits, explique Frédéric Bizard, Il faut une réforme institutionnelle qui simplifie et qui renforce le pouvoir de régulation de l'Etat. Il faut aussi changer les dispositifs, il faut penser à ce que l'on fait dans la défense, ce que l'on fait en sécurité pour donner une vison de long terme, au moins cinq ans, et une capacité d'anticipation aux acteurs, dont l'industrie."

Prévenir la crise

Au-delà de la régulation, du rôle des Etats, de l'Europe, des acteurs privés, la prévention est également importante selon Pierre Tattevin "On réagit face à cette crise comme on réagit face à un patient : on traite le problème qui est la tension d'approvisionnement, qui fait qu'il faut qu'on utilise mieux le stock d'amoxicilline pour les semaines qui viennent. Et puis il y a la prévention, ce qui veut dire mieux prescrire les médicaments et avoir des systèmes plus performants pour anticiper ce genre de crise et avoir de quoi agir quand on observe des signaux qui nous laissent penser que dans quelques mois on va avoir des ruptures de stock."

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