Quand la France était protectionniste : épisode • 2/3 du podcast Les batailles du protectionnisme

Scène portuaire française, artiste inconnu, XIXe siècle, 1825, Huile sur carton. ©Getty - Sepia Times / Contributeur
Scène portuaire française, artiste inconnu, XIXe siècle, 1825, Huile sur carton. ©Getty - Sepia Times / Contributeur
Scène portuaire française, artiste inconnu, XIXe siècle, 1825, Huile sur carton. ©Getty - Sepia Times / Contributeur
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Au gré des régimes autoritaires ou démocratiques qui ont marqué l'histoire politique de la France au XIXe siècle, comment la politique commerciale hexagonale a-t-elle été définie ? Sous l'influence de quels groupes sociaux et professionnels ?

Avec
  • Françis Démier Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris Nanterre

Le protectionnisme du premier XIXe siècle, au moins jusqu'aux années 1840, a été un élément décisif dans la construction d'une économie française capable d'exister sur le plan européen et sur le plan international. En revanche, après la crise de 1848, les choix qui ont été faits depuis la Révolution jusqu'à l'Empire, touchent leurs limites. Et à partir de ce moment-là, ce protectionnisme qui a structuré le capitalisme français, et de grands monopoles capitalistes, entre dans une impasse.

La mise en place d’une politique protectionniste et la pensée d’une nation aux frontières à la fois économiques et politiques

Le dernier choix économique de l’Ancien Régime fût un traité de commerce avec l'Angleterre, qui, pendant tout le XIXe siècle, a été considéré comme un “funeste traité”. Car, en effet, pour la première fois en 1786, les manufacturiers français furent exposés aux effets de ce traité de commerce franco-anglais libéral, Francis Démier explique "avec ce traité, il y a une sous estimation de la nature même de la révolution industrielle en Angleterre. Avec l'idée que le gouvernement français, que la France de l'Ancien Régime, dans une période où elle envisage des réformes, se trouve bloquée sur le plan intérieur et qu'en peu comme en 1958 avant le traité de Rome, une intervention de la pression et de la concurrence extérieure permettra de faire le travail qui n'était pas fait par le gouvernement français. Autrement dit, l'enjeu libre-échangiste est un enjeu réformiste, mais c'est un enjeu périlleux dans la mesure où il y a une grande inégalité entre une Angleterre en avance sur le plan de la révolution industrielle et en France qui ne l'est pas". Par ailleurs, "cette idée que le libéralisme français est un libéralisme dont les chances reposent sur l'existence de frontières remonte aux Girondins. C'est la bourgeoisie révolutionnaire qui défend ses intérêts économiques et qui pensent que les frontières de 1792 qui ont été fixées au moment de la Révolution délimitent le juste espace dans lequel les manufacturiers prendront les risques de l'aventure industrielle. Le protectionnisme français à cette époque est un libéralisme, étant entendu que pour que réussisse ce libéralisme, cette aventure économique, celle du capitalisme, il faut des frontières. Et que sans les frontières, personne ne prendra de risque de s'aventurer dans une concurrence universelle et sans limites".

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Depuis la IIe République à la IIIe : la recherche d’un protectionnisme dans un contexte de commerce qui s'internationalise

La Seconde République de 1848 vient rompre avec un Empire autoritaire et libéral, et marque le retour à une République bourgeoise. Francis Demier explique "les économistes et libres-échangistes de cette époque ont déchanté très rapidement devant le mouvement social. La classe ouvrière, les grèves leur ont fait peur, et ils ont basculé dans le camp de l'ordre. Ces économistes qui étaient prêts à balayer ce capitalisme aristocratique par le libre-échange, se sont retrouvés à la tête du combat contre le socialisme. Le suffrage universel ne change absolument pas le rapport des forces entre les deux camps. Au contraire et très habilement, le patronat protectionniste va utiliser la République à son profit. Et soutenir toute une série de mesures comme la limitation du temps de travail à un moment où le patronat accumule les stocks et est très content d'une harmonisation de la politique par le gouvernement républicain. Ce gouvernement va maintenir et même amplifier la protection douanière, sous la direction d'Adolphe Thiers, qui devient "M. Protection"".

Références sonores

  • Lecture du Discours de Louis Becquey, directeur général de l’Agriculture, du Commerce et des Arts et manufactures, le 06 juin 1814
  • Extrait de la série  Victoria, saison 2, épisode 8 (réalisée par Jim Loach, Lise James Larsson, Daniel O’Hara)
  • Extrait du film Elena et les hommes de Jean Renoir, 1955
  • Extrait du film Le Semeur, de Marine Francen, 2017

Pour aller plus loin

  • Francis Démier : La nation, frontière du libéralisme. Libre-échangistes et protectionnistes français, 1786-1914 (CNRS éditions, 2022)
  • Francis Démier : La France de la Restauration. L’impossible retour du passé (Gallimard, 2012)
  • Francis Démier : La France du XIXe siècle, 1814-1914 (Points Seuil, 2014)

Références musicales

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