L’extrême droite en Israël peut-elle menacer l’équilibre de la région ?

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivant à la réunion hebdomadaire de son cabinet, le 3 janvier 2023, à Jérusalem. ©AFP - Atef SAFADI / POOL
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivant à la réunion hebdomadaire de son cabinet, le 3 janvier 2023, à Jérusalem. ©AFP - Atef SAFADI / POOL
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivant à la réunion hebdomadaire de son cabinet, le 3 janvier 2023, à Jérusalem. ©AFP - Atef SAFADI / POOL
Publicité

Benjamin Netanyahu a formé il y a peu le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël. Dès mardi dernier, le nouveau ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir a foulé un lieu saint de Jérusalem-Est pour y clamer la souveraineté israélienne.

Avec

Cet acte résolument provocateur marque-t-il le début d’un nouveau cycle d’affrontements entre isréaliens et palestiniens ? Le nouveau gouvernement d’extrême droite porte-t-il un risque d’embrasement de la région ? Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Steve Jourdin, historien, journaliste, auteur de Israël, autopsie d’une gauche (1905-1995)  (Bords de l’eau, 2021), Frédéric Métézeau, journaliste, correspondant de Radio France au Moyen-Orient, et Laetitia Bucaille, professeure de sociologie et vice-présidente l'Inalco, chercheuse au Centre d'études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA).

La situation en quelques points clés

Publicité

"Il y a beaucoup de discussions sur cette visite d'Itamar Ben Gvir à l'esplanade des Mosquées, notamment parce que le Conseil de Sécurité des Nations Unies va se réunir à la demande des Émirats Arabes Unis, pour en débattre" explique Frédéric Métézeau, journaliste et correspondant à Jérusalem.

L'esplanade des Mosquées, située à l'intérieur de la vieille ville de Jérusalem-Est, est un lieu très symbolique. "Troisième lieu saint de l'Islam, elle est aussi adossée au Mur des lamentations" développe Laetitia Bucaille, qui rappelle que le "Mont du temple" comme l'appellent les juifs, a été "le point de départ de la deuxième intifada en 2000, lors de la visite de l'ancien premier ministre Ariel Sharon". En effet, "un statu quo qui dure depuis des décennies autorise l'entrée des musulmans sur l'esplanade des Mosquées et les non-musulmans à s'y rendre en dehors des heures de prière." Pour Laetitia Bucaille, "le fait qu'un ministre israélien y aille avec une escouade de policiers est perçu comme une provocation. Ça illustre bien les idées de ce ministre qui n'a aucune considération pour les Arabes."

Le réveil du messianisme religieux : un retour de la violence ?

Pour Steve Jourdin, le nouveau ministre de la sécurité nationale du gouvernement Netanyahu "est la croisée de deux traditions politiques. D'un côté la tradition dite du sionisme religieux et de l'autre une tradition extrêmement minoritaire et extrêmement violente, héritée du Rabbin Mëir Kahane, un xénophobe anti-LGBTQ, anti-féministe et anti-gauche." Steve Jourdin estime que le ministre "ne revendique pas une domination sur la population arabe, mais plutôt une séparation totale." En revanche, "le père spirituel de Ben Gvir, Meïr Kahane, faisait d'Israël un instrument de vengeance envers les goys et les non juifs. Son dieu est un dieu assoiffé de sang et de vengeance."

Selon Frédéric Métézeau, "Ben Gvir et cette extrême droite sioniste religieuse sont un produit de ce que devient la société israélienne. C'est une société qui se droitise. Les israéliens juifs sont de plus en plus religieux. Cette idéologie messianique se développe et conduit des gens, souvent jeunes, à voter pour Ben Gvir." Frédéric Métézeau explique que si Netanyahu a choisi Ben Gvir c'est parce qu'il avait "besoin de faire la majorité et de coller à ce qu'est la société israélienne." Laetitia Bucaille confirme que "cette arrivée au pouvoir est aussi significative de tout un phénomène sur le terrain" et ajoute que depuis "la loi de 2018 qui fait d'Israel l'état des citoyens juifs, 20% d'arabes israéliens ou de palestiniens sont exclus symboliquement de la citoyenneté"

Une nouvelle scène politique qui menace les intérêts de Netanyahu

Israël a récemment noué des liens avec des pays arabes comme l'Arabie saoudite et l'Égypte. L'arrivée de l'extrême-droite au pouvoir pourrait bien rebattre les cartes. Laetitia Bucaille indique que "les nouveaux alliés comme le Émirats Arabes Unis voient d'un mauvais oeil ces positions israéliennes, ces franchissements de lignes rouge, notamment sur la question de l'Islam", mais doute "que quelqu'un comme Ben Gvir se soucie de l'alliance nouvellement nouée avec ces pays".

Steve Jourdin considère que "la vraie question qui va se poser politiquement c'est de savoir si Netanyahu, pour la première fois, va être dépassé par son extrême droite. Aujourd'hui on a l'impression notamment avec cette visite d'Itamar Ben Gvir sur l'esplanade des Mosquées, qu'il ne tient plus ses ministres." Or, ajoute-t-il, "dans le processus de paix et de normalisation des relations avec le Moyen -Orient, le dossier iranien et le rapprochement avec l'Arabie saoudite sont les deux objectifs fixés par Netanyahu." Selon l'historien, le président est "optimiste mais à tort". Preuve en est, "la première conséquence géopolitique réelle de cette visite d'Itamar Ben Gvir sur l'esplanade des Mosquées : la visite de Netanyahu prévue aux Émirats Arabes Unis a été repoussée."

L'équipe