Invader : "Chaque mosaïque est une œuvre en même temps qu'elle est le fragment d'un méta-réseau planétaire"

Invader, New York, 2007 - Invader
Invader, New York, 2007 - Invader
Invader, New York, 2007 - Invader
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À l'occasion de l'exposition qui lui est consacrée dans une galerie parisienne, intitulée "4000" en référence à sa 4000ème œuvre, l'artiste de rue Invader revient, dans un entretien au long cours, sur son parcours hors du commun et nous entraîne dans la fabrique de son art tentaculaire.

Avec

Artiste de rue français qui s’est fait connaître par l’installation de mosaïques imitant les motifs du célèbre jeu vidéo japonais, Space Invader, sur les murs de grandes métropoles internationales, Invader est l'artisan d'un réseau tentaculaire de plus de 4000 œuvres, tissé depuis plus de vingt ans. Toutes sont recensées sur une application créée à cet effet, Flashinvaders, conçue par l'artiste deux ans avant Pokemon Go !, qui permet aux 140 000 inscrits de suivre son travail et de gagner des points dès qu’ils croisent et photographient l’une de ses œuvres. Représenté par la galerie Over the Influence, l’artiste a su conserver l'anonymat auprès du grand public, apparaissant masqué en interview. Cela ne l’a pas empêché d’exposer dans les plus grands musées du monde et de vendre ses œuvres sur le marché de l’art à des prix de plus en plus élevés. L’œuvre d’Invader dépasse cependant largement les iconiques Space Invaders. Elle s’est élargie à d’autres jeux vidéos, comme Super Mario, en passant par le dessin animé avec La Petite Sirène et La Panthère Rose, ou par le cinéma, avec Star Wars, sans oublier des célébrités pop telles que Serge Gainsbourg, ou, dans un registre plus littéraire, William Burroughs. Inspirée par les lieux qu’il « envahit », chacune de ses œuvres est unique et fait montre de la réinvention permanente de son langage visuel. Empruntant au vocabulaire geek, il perçoit sa démarche comme un programme d’invasion du territoire urbain, au moyen de virus artistiques destinés à hacker l’espace public. Marquée par la rencontre entre la mosaïque et le pixel, l’espace réel et l’espace virtuel, l'œuvre d'Invader se fonde ainsi sur une réflexion autour de la place du numérique dans nos sociétés.

POTI_01, Potosi, Bolivie, 2021
POTI_01, Potosi, Bolivie, 2021
- Invader

A l'occasion de l'exposition 4000, qui se tient jusqu'au 22 janvier 2023 à la galerie Over the Influence, ainsi que de la parution de l'ouvrage qui retrace son œuvre à la façon d'une bible, 4000 – The Complete Guide to the Space Invaders, 1998-2021, Invader revient au micro de Romain de Becdelièvre sur sa longue carrière et nous dévoile son processus créatif.

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Traverser le temps et l'espace

« J'ai mis longtemps à réaliser la force de ce geste qu’est le collage d’une pièce dans la rue. Je me suis rendu compte que j'avais trouvé quelque chose de nouveau puisqu'on pouvait voir des affiches, des graffitis et des peintures dans les rues, mais personne n'avait pensé à coller une mosaïque alors que c'est destiné à cela à la base. Et puis surtout, par le plus grand des hasards, c'est un Space Invaders, que j'ai collé la première fois. En analysant un peu ce geste, je me suis rendu compte que Space Invaders voulait dire envahisseurs de l'espace, ce qui est quand même assez extraordinaire parce que c'est ce que j'avais fait […] J'ai donc commencé cette invasion de l'espace urbain, mais aussi de l'espace planétaire puisque très vite, j'ai voulu sortir de Paris, pour que ça soit un phénomène planétaire, pas seulement franco-parisien  » Invader

« J'ai vraiment l'impression de m'être lancé dans un projet sans fin. Il me faudrait même plusieurs vies pour aller jusqu'au bout parce que le monde est tellement vaste. Rien qu'à Paris, j'avoisine déjà les 1500 pièces posées et je pourrais en poser autant. Je découvre tous les jours des nouvelles rues, des nouveaux recoins, des nouveaux spots potentiels. J'essaie de quadriller le plus possible la planète, mais il y a encore énormément de pays, de villes, d'endroits où je n'ai jamais mis les pieds  » Invader

VRN_13, Varanasi, Inde, 2008
VRN_13, Varanasi, Inde, 2008
- Invader

« Un artiste est comme une éponge qui absorbe les choses de son époque. Donc je me suis mis à représenter beaucoup d'autres thèmes que des personnages de jeux vidéo. Ça va des personnages de la pop culture à toutes sortes d'objets, de thèmes… A Hong Kong, on peut voir un Bruce Lee. À Londres, un portrait de Sid Vicious. A New York, j'ai fait toute une série avec des personnages de New Yorkais, de Woody Allen à Joe Ramone, Andy Warhol à Lou Reed, et bien d'autres » Invader

Alias DJBA_40, 183 x 80 cm, carreaux de céramique sur panneau et carte d’identité, 2022
Alias DJBA_40, 183 x 80 cm, carreaux de céramique sur panneau et carte d’identité, 2022
- Invader

L'art de "l’acupuncture urbaine"

« Il y a un travail en amont à l'atelier pour concevoir la pièce, la réaliser et ensuite pour la coller le plus rapidement possible. Après, il n'y a pas de règle, j'ai pu poser certaines en quelques minutes et d'autres en plusieurs heures, en fonction de leur emplacement et de leur taille. Mais l'idée, c'est d'être le plus rapide et le plus discret possible » Invader

« Je joue avec les lieux où j'interviens, tant au niveau de l'architecture que de la mémoire du lieu et du support qui va recevoir la pièce » Invader

PA_1172 Paris, France, 2015
PA_1172 Paris, France, 2015
- Invader

« Chaque pièce est unique. Je me suis imposé cette contrainte depuis le début de ne jamais reproduire deux fois la même mosaïque. Donc, sur les 4000 mosaïques, vous avez 4000 œuvres originales différentes. Et je me suis dit, pour rester dans l'idée du jeu vidéo, que j'allais leur donner un score allant de 10 à 100 points selon la taille, la difficulté que j'ai eu à l'installer et l'endroit où elle est placée » Invader

Affaire en cours
6 min

Ses actualités

  • L'exposition 4000 à la galerie Over the Influence à Paris, du 10 décembre 2022 au 22 janvier 2023. Sont présentés une quarantaine d'œuvres (Alias) dont la plupart nouvelles et inédites, ainsi que le tirage de tête du livre dont 500 exemplaires sont disponibles, chacun signé, numéroté et daté. Aussi, un film de l'invasion de Potosi où la 4000e mosaïque a été placé à 4000m d'altitude, et une vidéo générative rassemblant les 4000 space invaders répertoriés dans le livre.
  • L’ouvrage 4000 – The Complete Guide to the Space Invaders, 1998-2021, paru en décembre 2022, est à découvrir aux éditions Control P. Ce livre revient sur plus de 20 ans du désormais mythique projet Space Invaders, déployé à l'échelle planétaire, dans 170 villes.
  • L'exposition "Invader Rubikcubist" au MIMA (Millennium Iconoclast Museum of Art), à Molenbeek-Saint-Jean en région bruxelloise, est à découvrir jusqu'au 8 janvier 2023 . Il s'agit de la première exposition personnelle d’Invader entièrement consacrée au Rubikcubisme. Le terme, inventé par l’artiste en 2005, fait référence à son travail d’atelier autour du Rubik’s cube, célèbre casse-tête coloré, avec lequel il crée des tableaux et sculptures.
Vue de l'exposition "4000", Galerie Over the Influence, Paris, 2022
Vue de l'exposition "4000", Galerie Over the Influence, Paris, 2022
- Invader / Photo : Julien Pepy

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Extrait d’une interview de Tomihiro Nishikado, l’inventeur japonais du jeu Space Invador.
  • Ernest Pignon Ernest à propos de la condition éphémère de l'art, dans l'émission « Le grand entretien » de France Inter en mars 2013.
  • Le choix musical d’Invader : « Moonage Daydream » de David Bowie.
  • Le street artiste VHILS interrogé sur l’esthétique du vandalisme, dans l’émission « Il existe un endroit » sur France Inter, en mai 2015.
À réécouter : Tous geek ?
La Grande table (2ème partie)
34 min

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