Hôpital : le Plan Santé peut-il nous sortir de la crise sans fin ?

Emmanuel Macron salue les soignants lors de ses voeux aux acteurs de la santé, 06 janvier 2023, Corbeille-Essones ©AFP - Ludovic Marin/POOL
Emmanuel Macron salue les soignants lors de ses voeux aux acteurs de la santé, 06 janvier 2023, Corbeille-Essones ©AFP - Ludovic Marin/POOL
Emmanuel Macron salue les soignants lors de ses voeux aux acteurs de la santé, 06 janvier 2023, Corbeille-Essones ©AFP - Ludovic Marin/POOL
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Lors de ses vœux aux acteurs de la santé le 6 janvier 2023, Emmanuel Macron a annoncé les grandes lignes de son Plan Santé. Il permettra, selon le Président, de "sortir d'une crise sans fin". Mais cela est-il tenable ?

Avec
  • André Grimaldi Professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière
  • Agnès Giannotti Médecin généraliste,vice-présidente du syndicat MG France

Ubérisation de la médecine

Le docteur Grimaldi fait remonter les origines de la situation actuelle au début des années 2000 : “il y a eu un tournant néolibéral : l’hôpital a commencé à être géré comme une entreprise, les soins primaires ont été délaissés, et on a vu se développer une médecine business”. Pour lui, on a ainsi assisté à “la création d’une médecine industrielle, commerciale et financiarisée. Aujourd’hui, quatre grandes chaînes détiennent 50 % des cliniques, la biologie médicale appartient à de grands groupes possédés par des fonds d’investissements et de pensions. Et puis, il y a Doctolib qui est une ubérisation de la médecine. C’est le Booking.com de la médecine”.

Le docteur Grimaldi met en garde, elle aussi, contre cette “médecine business” : “il ne faut pas favoriser les plateformes qui ne font pas de la médecine correcte, mais les médecins traitants. Il faut aider ceux en activité pour qu’il y en ait plus s’installent. En ce moment, il y a une fuite vers les centres de soins, qui sont plus lucratifs, et les plateformes”.

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Plan Santé : des propositions insuffisantes

Pour la présidente du syndicat MG France, le terme de crise qu’a employé Emmanuel Macron n’est pas le bon “car il s’agit d’un problème structurel qui dure depuis longtemps” résultant, d’après elle, d’un “enchaînement de politiques à courte vue depuis des années et des années”. Le problème “vient en effet de loin” ajoute le professeur Grimaldi : “Mme Bachelot a fait un mea culpa sur les déserts médicaux, elle devrait le faire sur l’hôpital-entreprise qu’elle a participé à mettre en place, avec Nicolas Sarkozy”.

A propos des annonces d’Emmanuel Macron, le docteur Grimaldi dénonce que “le plan du gouvernement est une série de rustines, pas un traitement des causes du mal de notre système de santé. Il s’agit de savoir si on veut construire un service public comme on l’a eu pendant la crise Covid”. “On ne finance l’hôpital que quand il est actif, mais les pompiers, les finance-t-on seulement quand il y a le feu ? Aux urgences par exemple, il faut des lits vides en permanence qui puissent accueillir des malades. Quand on reste sur un brancard plusieurs heures voire plusieurs jours. Le taux de complications et de mortalité augmente. C'est le résultat d’une politique” déplore-t-il.

Pénurie de médecins traitants : quelles solutions ?

A court terme, il s’agit d’abord d’inciter les médecins à rester avance le docteur Giannotti : “sur 80 000 médecins généralistes, 50 000 sont médecins traitants, cela veut dire que les 40 % restants sont dans des centres de soins non programmés ou sur des plateformes. Et sur ceux qui sont médecins traitants, 40 % ont plus de 60 ans, et 6000 ont même plus de 64 ans. S’ils partent cela veut dire 600 000 patients qui perdent leur médecin traitant. Il faut donc d’abord arrêter l’hémorragie”.

La présidente de MG France martèle que contraindre les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux ne fonctionnera pas : “s'il y a des contraintes, les jeunes médecins ne vont pas s’installer, ils vont plutôt partir à l’étranger.” Selon elle, il faut plutôt “valoriser ceux qui font des permanences des soins, les inciter à travailler ensemble avec les infirmiers pour aller soigner les patients à domicile”. Le professeur Grimaldi abonde dans ce sens : “la médecine moderne se fait en équipe, donc dans les maisons médicales où il y a plusieurs médecins. La crise ne se résoudra pas en envoyant les médecins dans les déserts médicaux où il n’y a plus de postes, d’éducation. Par contre si on crée des centres de santé en lien avec l’hôpital, dans lequel il y aura des assistants médicaux, des infirmières de pratique avancée pour pouvoir partager et organiser le travail. Il faut créer un service public de la médecine de proximité, et cela nécessite une nouvelle organisation de la santé” avance-t-il.

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