Armée russe : la fabrique de la violence : épisode • 1/4 du podcast Service militaire : les citoyens en armes

De jeunes recrues militaires russes lors d'un exercice d'entraînement à Mulino, en Russie, le 09/09/21 ©AFP - Vadim Savitsky
De jeunes recrues militaires russes lors d'un exercice d'entraînement à Mulino, en Russie, le 09/09/21 ©AFP - Vadim Savitsky
De jeunes recrues militaires russes lors d'un exercice d'entraînement à Mulino, en Russie, le 09/09/21 ©AFP - Vadim Savitsky
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Le 21 décembre 2022, le ministre de la Défense russe décide d’augmenter les effectifs de l’armée et d’élargir les conditions d’accès au service militaire dans le cadre du conflit avec l'Ukraine. Les familles des jeunes conscrits sont inquiètes : ils pourraient à tout instant être envoyés au front.

Avec
  • Anna Colin Lebedev Maîtresse de conférences à Paris Nanterre, spécialiste de l'Ukraine et de la Russie post-soviétique
  • Françoise Daucé Directrice de recherche à l’EHESS, directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)
  • Anastasia Fomitchova Doctorante en sciences politiques, Chaire des études ukrainiennes à l’université d’Ottawa

Parmi les soldats russes tués dans les toutes premières minutes de l’année 2023, morts dans un bombardement dans la ville ukrainienne de Makiivka alors qu’ils venaient d’envoyer leurs vœux à leur famille, neuf ont été enterrés hier par leurs proches. Deux venaient de la ville de Togliatti, sur la Volga, deux autres de Novokouïbichevsk et cinq de petits villages de cette même région de Samara dans le centre de la Russie. On ne sait pas s'ils étaient des soldats professionnels, ou si tous étaient des hommes mobilisés par le décret du 21 septembre, ou encore s'il se trouvait parmi eux des conscrits.

Car si le gouvernement a promis qu’il n’enverrait pas au front les jeunes en plein service militaire, la loi ne leur garantit rien. Et l’armée ayant de la peine à recruter, le vivier de conscrits permet d’étoffer les effectifs à défaut de mieux.

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La dernière vague de conscription s’est achevée le 31 décembre. Des milliers d’hommes entre 21 et 30 ans ont dû rejoindre les casernes car le service militaire est toujours obligatoire en Russie. Et il a toujours aussi mauvaise réputation : conditions déplorables, mauvais traitements, rémunération très faible et ce malgré plusieurs réformes depuis les guerres de Tchétchénie.

Alors, quel est aujourd’hui, en pleine guerre, le regard que porte la société sur le service militaire ? Qui sont les jeunes recrues quand ils ne se sont pas fait exempter ? Quelle formation y reçoivent-ils ? Et pourquoi parle-t-on d’une armée particulièrement violente ?

Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences à Paris Nanterre et spécialiste de l'Ukraine et de la Russie post-soviétique ainsi que Françoise Daucé, directrice de recherche à l’EHESS et directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre européen (CERCEC).

"Pendant la guerre de Tchétchénie, des jeunes, en plein service militaire, étaient envoyés dans les points chauds pour aller se battre. A ce moment-là, les comités des mères de soldat ont fait un travail extrêmement important pour aller récupérer les jeunes sur le front et les ramener dans leur famille. Le fait d'envoyer des conscrits au front est extrêmement mal perçu par la société russe", explique Françoise Daucé.

"Il y a eu un changement dans la nature de la violence et de la composition des troupes. L'une des volontés de la réforme conduite par le ministre de la Défense précédent fut de créer un corps de sous-officiers. Sans ce corps, il n'y avait personne pour commander concrètement les troupes sur le terrain. La violence des conscrits les uns sur les autres était alors un mode de gestion de l'ordre, de contrôle sur les troupes qui était toléré et encouragé", observe Anna Colin Lebedev.

Pour aller plus loin :

Seconde partie : le focus du jour

Ukraine : construire une armée

Des soldats ukrainiens assis sur un véhicule militaire, à Severodonetsk, dans la région du Donbasse, Ukraine, le 07/04/22
Des soldats ukrainiens assis sur un véhicule militaire, à Severodonetsk, dans la région du Donbasse, Ukraine, le 07/04/22
© AFP - Fadel Senna

Face à la montée de la menace russe depuis l’annexion de l’ Ukraine en 2014, l’Ukraine a dû moderniser son armée à grande vitesse : avant l’invasion, elle ne comptait que 6 000 hommes. Supprimé en 2012, le service militaire est rétabli en 2014 et doit permettre d’augmenter les effectifs de l’armée. En février 2022, les hommes sont mobilisés et ne peuvent quitter le pays, pour compléter les effectifs de l’armée.

Comment s’est passée cette modernisation ? Après dix mois de conflit, comment réagissent les hommes mobilisés ?

Avec Anastasia Fomitchova, doctorante en sciences politiques, Chaire des Etudes Ukrainiennes à l’Université d’Ottawa.

"Officiellement, aujourd'hui, les hommes de 18 à 60 ans ne peuvent pas quitter l'Ukraine pendant la durée de la loi martiale. Mais de plus en plus d'exceptions sont votées par le parlement, par exemple pour les militaires qui suivent une formation, pour les combattants blessés, les athlètes, les hommes dont un parent ou un conjoint est handicapé", note Anastasia Fomitchova.

Références sonores & musicales

  • Vladimir Poutine annonce une "mobilisation partielle" en Russie ( l'Obs - 21/09/22)
  • La Russie assure combattre en Ukraine contre "les forces combinées de l'Occident" ( Le Parisien - 21/12/22)
  • Le comité des mères de soldats interpelle Poutine ( Youtube - 21/12/22)
  • Le bizutage au sein de l'armée russe ( 100% Docs - 13/12/21)
  • Ukraine : le témoignage d'un soldat ( Arte - 2022)
  • "Sunshine Recorder" de Boards of Canada
  • "Million-alyx-roz" de Alla Pougatcheva

Une émission préparée par Bertille Bourdon.

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