Fnac : la culture en rayon : épisode • 2/3 du podcast Quand on achète en ville

Foule dans le magasin de la "Fnac" lors de l'ouverture du Forum des Halles à Paris, le 7 septembre 1979 ©Getty - Patrice PICOT / Contributeur
Foule dans le magasin de la "Fnac" lors de l'ouverture du Forum des Halles à Paris, le 7 septembre 1979 ©Getty - Patrice PICOT / Contributeur
Foule dans le magasin de la "Fnac" lors de l'ouverture du Forum des Halles à Paris, le 7 septembre 1979 ©Getty - Patrice PICOT / Contributeur
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Comment le projet de la création de la Fnac évolue-t-il au rythme des mutations de l’entreprise, d’un tournant culturel dans les années 1970 à une mise au pas financière et gestionnaire à la fin du siècle ?

Avec
  • Vicherat Denis Directeur des éditions Utopia
  • Didier Toussaint Docteur en philosophie et consultant dans le conseil aux entreprises

Dès 1954, la Fédération nationale d'achat des cadres (FNAC) introduit une nouvelle forme de distribution de biens culturels en se fixant deux missions : l'alliance avec le consommateur et la démocratisation de l'accès aux produits techniques et culturels.

La Fnac des origines : naissance d’une entreprise et projet politique (1954 - début 1970s)

L’histoire de la Fnac (“Fédération nationale d’achats” puis “Fédération nationale d’Achats des Cadres”) commence en 1954, lorsque Max Théret et André Essel s’associent pour proposer des carnets d’achats à tous ceux qui souhaitent acheter moins cher dans des magasins partenaires. Selon Denis Vicherat " Max Théret est un homme de la photo et l'histoire de la Fnac est liée à la photo, c'était le premier produit commercialisé dans des conditions particulières. Un petit peu avant 1954 Max Théret fonde l'Economie Nouvelle, c'était une formule de magasins agréés. Ils allaient voir des commerçants, ils proposaient d'envoyer des clients par la méthode de carnets d'achat, ils leur faisaient une réduction et se versaient un petit pourcentage sur la vente. Max Théret cherchait un collaborateur pour développer cette formule, et André Essel était l'homme de la situation pour faire connaître cette formule. André Essel avait été journaliste, il était le rédacteur en chef du Drapeau rouge, une fanzine trotskiste. Ils se sont rencontrés et tout de suite ils créent le journal Contact, le premier numéro est tiré en 300.000 exemplaires. C'était un trimestriel, en noir et blanc, de 4 pages qui permettait de faire connaître les produits, la méthode, les commerçants agrées etc. " Didier Toussaint ajoute " lorsqu'ils créent la Fnac en 1954 ils ont une pièce au 6 bd Sébastopol à Paris où ils vendent les carnets, très vite il leur manque une gamme de produits, qui est l'appareil photographique. Et ils ouvrent leur premier magasin à cette même adresse en 1957. Par ailleurs, la notion d'alliance est fondamentale, André Essel rappelle que sa méthode est imprégnée par le trotskisme, car pour lancer la Fnac sa méthode a été de s'appuyer sur les masses. L'appui sur les masses est fondamental dans la théorie marxiste, André Essel s'est appuyé sur les masses du côté des consommateurs mais aussi sur le personnel ".

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Le tournant culturel de la Fnac dans les années 1970

L'originalité de la Fnac c'est aussi que dans les magasins, les clients ont accès à des conseils de qualité, Didier Toussaint explique "c'est très important dans l'inconscient de la Fnac. La relation entre le vendeur et le client, ces deux termes étaient tabous à la Fnac, André Essel bannissait ces termes et disait que la relation entre le conseiller et le consommateur est une relation d'amitié. Quand quelqu'un entre dans le magasin, il faut considérer que c'est un ami qui rentre. Dans les années 70 la relation entre le conseiller et l'ami était très souvent personnelle. Les vendeurs étaient très souvent diplômés, à cette époque il y avait beaucoup de réfugiés chiliens ou d'Amérique latine qui étaient surqualifiés par rapport au profil traditionnel du vendeur, mais ces vendeurs avaient surtout la passion du produit". Par ailleurs, les cadres devenant le public cible de Fnac, celle-ci se tourne de plus en plus vers la culture, Denis Vicherat ajoute "une étude avait montré que 80% des acheteurs étaient des cadres, cependant leur stratégie culturelle n'était pas écrite au départ...la culture est vraiment arrivée en 1974 avec le livre. C'est un moment à la fois de rupture mais surtout de révélateur de ce qu'est vraiment la Fnac".

Pour aller plus loin

  • Didier Toussaint : L'inconscient de la Fnac. L'addiction à la culture (Les Pérégrines, 2006)
  • Didier Toussaint : Révolution et servitude, L'inconscient de la France (Éditions Mimésis, 2020)
  • Vincent Chabault : La FNAC, entre commerce et culture (PUF, 2010)
  • André Essel : Je voulais changer le monde (Mémoire du livre, 2001)

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