Centrafrique, Mali, Burkina Faso… La France en disgrâce

Un soldat français de l'opération Barkhane dans le nord du Burkina Faso, 12 novembre 2019. ©AFP - MICHELE CATTANI
Un soldat français de l'opération Barkhane dans le nord du Burkina Faso, 12 novembre 2019. ©AFP - MICHELE CATTANI
Un soldat français de l'opération Barkhane dans le nord du Burkina Faso, 12 novembre 2019. ©AFP - MICHELE CATTANI
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Mardi 24 janvier 2023, la France a reçu du gouvernement burkinabé une dénonciation de l'accord de 2018 relatif au statut des forces françaises présentes dans ce pays. Ces forces doivent se retirer du territoire sous un mois.

Avec
  • Christophe Boisbouvier Directeur adjoint de RFI, chargé de l’Afrique. Auteur de Hollande l’Africain aux éditions La Découverte

En début de semaine, le tout jeune gouvernement burkinabé a exigé le départ de l’armée française. Cette dernière a un mois pour quitter un territoire où la Russie continue de gagner en influence. Dans quelle mesure le pays de Vladimir Poutine attise-t-il le sentiment anti-français ? De quoi ce ressentiment se nourrit-il ? La défiance envers la France va-t-elle continuer de se répandre comme une traînée de poudre dans la région ?

Avec Barry Ahmed Newton, journaliste, ancien président de la commission électorale du Burkina Faso pour les élections législatives et présidentielles de 2020, et Christophe Boisbouvier, directeur adjoint de Radio France Internationale, chargé de l’actualité africaine, auteur de Hollande l’Africain (Editions La Découverte, 2015).

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Le point sur la situation au Burkina Faso

Pour Barry Ahmed Newton, “le Burkina Faso est à la croisée des chemins, après avoir été précurseur pendant une soixantaine d’années. En 1964, le pays a accédé à l’indépendance, puis a expérimenté un multipartisme. Dans les années 1980, la révolution de Thomas Sankara a permis au pays d'être un modèle de croissance. Blaise Compaoré a ensuite instauré une période de stabilité. En 2014, l'insurrection était un appel à la démocratie. Pendant longtemps, nous avons été une sorte de modèle” avance le journaliste. ”Mais aujourd’hui, nous sommes plutôt un pays à la remorque. La nébuleuse Al Qaïda est descendue du Mali à travers un certain nombre de succursales, mais il existe aussi une entrée, par le Niger, de l’État Islamique qui fait son nid au grand Sahara. Cela fait du Burkina Faso, mais aussi du Mali, les pays les plus fragiles de la sous région sahélienne.”

Après le départ des forces françaises, une nouvelle ère pour le Sahel ?

Christophe Boisbouvier précise que “Le Burkina est un carrefour entre plusieurs pays notamment au nord, avec le Mali et le Niger. La mission de la force Sabre, des forces spéciales, installées il y a quelques années à Ouagadougou, n’était pas centrée uniquement sur le Burkina.(...) Ces forces intervenaient davantage dans les pays voisins du Burkina qu’au Burkina lui-même, car il y a une tradition de fierté nationaliste qui date des années 1980. L’intervention des forces françaises sur le terrain burkinabé n’a jamais été bien acceptée. Depuis que le Mali a expulsé les Français de son territoire l’année dernière, la force Sabre basée à Ouagadougou était de moins en moins utile. Donc le départ de cette force ne change pas fondamentalement les choses”, rappelle Christophe Boisbouvier. Ce dernier estime que “le vrai changement réside dans le fait que, sous la pression des djihadistes, les Français sont obligés de repenser leurs relations militaires avec l’Afrique, réfléchissant à une position moins visible, mais plus présente.”

Barry Ahmed Newton, lui, insiste sur l'idée que “la population burkinabée est plus tenaillée par une sorte de psychose autour du problème terroriste. La première solution, pas forcément la plus intelligente, consiste à plus d’autoritarisme, un peu comme au Mali. La France va de toute façon quitter le Burkina Faso du point de vue militaire, rester ne servirait à rien. Mais la question est la suivante : comment, au dehors, on articule la lutte contre le terrorisme ?”

Peut-on parler de Russafrique ?

Le groupe Wagner et la Russie sont désormais présents en Afrique de l’Ouest. Christophe Boisbouvier estime que “la méthode Wagner est très efficace et qu’elle a très bien marché au Mali.” Il indique qu’il existe maintenant au Burkina Faso “une pression des Maliens pour que les Burkinabés acceptent à leur tour le groupe Wagner. Le Mali se sentira moins seul en Afrique de l’Ouest, mais en même temps, le Burkina risque de se couper de tous les pays voisins, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire.” Mais le groupe Wagner a-t-il vraiment les moyens de s’implanter durablement dans la région ?

Barry Ahmed Newton de son côté considère qu’il sera difficile pour le groupe Wagner de s’implanter au Burkina selon le “format malien” Il explique ainsi que les Burkinabés “ne pourraient pas concevoir que des militaires Wagner viennent dans les garnisons, et soient engagés directement sur le terrain.”

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