Les immigrés face à la nation française, je t’aime... moi non plus : épisode • 1/3 du podcast Histoires d’immigrations

Entre hospitalité, méfiance et indifférence, l'attitude de l'opinion vis-à-vis des immigrés est en perpétuelle oscillation au XIXe siècle. ©Getty - Frédéric de Haenen
Entre hospitalité, méfiance et indifférence, l'attitude de l'opinion vis-à-vis des immigrés est en perpétuelle oscillation au XIXe siècle. ©Getty - Frédéric de Haenen
Entre hospitalité, méfiance et indifférence, l'attitude de l'opinion vis-à-vis des immigrés est en perpétuelle oscillation au XIXe siècle. ©Getty - Frédéric de Haenen
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Du réfugié au réprouvé, de l’expat’ à l’exilé, retour sur deux siècles de discours et de représentations qui ont façonné la relation complexe de la France à l’immigration.

Avec
  • Delphine Diaz Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Reims
  • Nancy L. Green Historienne, directrice d'études de l'EHESS

Le 29 mars 1792, en pleine Révolution française, un débat à l’Assemblée législative est porté par Monsieur Thuriot, député de la Marne et Monsieur Dumolard, député de l’Isère : ils souhaitent que les émigrés soient privés du droit de citoyen actif, avec la peur que si ces nobles reviennent, ils "ne se changeassent en serpents pour devenir ministre". En réponse, Monsieur de Girardin brandit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée en 1789. Les émigrés sont alors les Français partis à l’étranger qui se transforment en immigrés quand ils reviennent.

La figure du réfugié au XIXe siècle

Dans le recueil Les Quatre Vents de l’esprit paru en 1881, Victor Hugo évoque l’expérience douloureuse de son exil à Guernesey : "Si je pouvais voir, ô patrie, Tes amandiers et tes lilas, Et fouler ton herbe fleurie, Hélas !". Le poète participe grandement à façonner le personnage de l’exilé, figure centrale de la vie littéraire et politique du XIXe siècle.

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L’Europe fait alors face à des mouvements de populations inédits, tandis que le vocabulaire de l’exil et de l’immigration est encore flou. Les frontières sont poreuses entre l’aristocrate forcé à l’exil et le banni qui erre à travers l’Europe, entre le bon réfugié qu’il convient d’accueillir et d’aider et l’immigré remuant soupçonné d’être un agitateur politique ou un membre de sociétés secrètes. Pour Nancy L. Green, historienne spécialiste de l’histoire comparée des migrations contemporaines, "le vocabulaire relatif aux réfugiés varie en fonction des classes sociales désignées : les émigrés américains ne veulent pas s'appeler 'immigrés' parce que ce terme désigne les personnes issues des classes pauvres ou modestes. Les variations de vocabulaire sont fréquentes. Un terme peut décrire toute une génération ou tout un groupe d'exilés, comme les Américains expatriés en France dans les années 1920, par exemple. C'était avant tout une émigration d'élites qui se différenciait des travailleurs immigrés".

Le Cours de l'histoire
51 min

Les immigrés face à la xénophobie

Les politiques d’accueil se confondent souvent avec des politiques de surveillance et de répression. Les premiers grands mouvements de violence xénophobes à l’égard des immigrés surviennent à la fin du XIXe siècle. Delphine Diaz, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Reims, souligne que la xénophobie se manifeste déjà en 1848 : "l'année 1848 apparaît comme un moment essentiel dans l'affirmation d'une double vision vis-à-vis des étrangers en France : 1848 représente la fraternité entre les peuples, c'est un moment où des arbres de la liberté sont plantés… Cependant, c'est également un moment d'affirmation de la xénophobie. (...) C'est surtout à l'encontre des travailleurs que les épisodes de xénophobie populaire s'affirment à partir de la grande crise économique de 1846-1848. Par exemple, des Belges sont raccompagnés aux frontières dans le nord et des Britanniques sont raccompagnés vers des bateaux pour traverser la Manche en sens inverse. Ces épisodes xénophobes prennent beaucoup plus d'ampleur à la fin du XIXe siècle".

Sans oser le demander
58 min

La perpétuelle oscillation entre hospitalité, méfiance et indifférence détermine l’attitude des pouvoirs publics et de l’opinion pour les décennies à venir, et participe à créer la relation ambivalente qui lie les idées de nation, de citoyenneté et d’assimilation.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission…

Le Pourquoi du comment : histoire

Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici.

Le Pourquoi du comment : histoire
3 min

Pour en parler

Delphine Diaz est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Reims.
Elle a notamment publié :

Nancy L. Green est historienne, spécialiste de l’histoire comparée des migrations contemporaines. Elle est directrice d'études à l'EHESS.
Elle a notamment publié :

Références sonores

  • Chanson Seigneurs aristocrates interprétée par Demis Roussos, 1989
  • Extrait de l'adaptation radiophonique de Le Hussard sur toit réalisée en 1953 par René Wilmet, adapté par André Bourdil d'après l'œuvre originale de Jean Giono, France Culture, 1953
  • Archive sur la vie des immigrés à Paris, ORTF, 7 mars 1972
  • Chanson S'wonderful de George Gershwin, interprétée par Gene Kelly et George Guetary, tirée de la comédie musicale Un Américain à Paris réalisée par Vincente Minnelli, 1951
  • Archive d'Eleanor Roosevelt qui s'exprime au sujet de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans l'émission Tribune de Paris : Les hommes, les événements, les idées à l'ordre du jour, RTF, 9 juin 1948
  • Générique de l'émission : Origami de Rone

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